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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/336

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CLITON.

Ne te tairas-tu point ?Dis-je rien qu’il ne sache,
Et fais-je à votre nom quelque nouvelle tache ?
N’étoit-il pas, Monsieur, avec Alcippe et vous,
630Quand ce festin en l’air le rendit si jaloux ?
Lui qui fut le témoin du conte que vous fîtes[1],
Lui qui vous sépara lorsque vous vous battîtes,
Ne sait-il pas encore les plus rusés détours
Dont votre esprit adroit bricola[2] vos amours ?

PHILISTE.

635Ami, ce flux de langue est trop grand pour se taire ;
Mais sans plus l’écouter, parlons de votre affaire.
Elle me semble aisée, et j’ose me vanter
Qu’assez facilement je pourrai l’emporter :
Ceux dont elle dépend sont de ma connoissance,
640Et même à la plupart je touche de naissance ;
Le mort étoit d’ailleurs fort peu considéré,
Et chez les gens d’honneur on ne l’a point pleuré.
Sans perdre plus de temps, souffrez que j’aille apprendre[3]
Pour en venir à bout quel chemin il faut prendre.
645Ne vous attristez point cependant en prison ;
On aura soin de vous comme en votre maison :
Le concierge en a l’ordre, il tient de moi sa place,
Et sitôt que je parle il n’est rien qu’il ne fasse.

DORANTE.

Ma joie est de vous voir, vous me l’allez ravir.

  1. Var. Fut-il pas le témoin du conte que vous fîtes ?
    Vous sépara-t-il pas lorsque vous vous battîtes ?
    Et sait-il pas enfin les plus rusés détours. (1645-56)
  2. Bricoler, au propre, c’est diriger une balle, une bille, un boulet de façon à atteindre le but indirectement et par raccroc ; au figuré, c’est suivre des voies obliques, et activement, conduire par des voies obliques. Voyez le Lexique.
  3. Var. Donc sans perdre de temps, souffrez que j’aille apprendre. (1645-56)