Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/338

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DORANTE.

Envoyez et la dame et les amours au vent.

CLITON.

670Mais vous avez reçu : quiconque prend se vend.

DORANTE.

Quitte pour lui jeter son argent à la tête.

CLITON.

Le compliment est doux et la défaite honnête.
Tout de bon à ce coup vous êtes converti :
Je le soutiens, Monsieur, le proverbe a menti.
675Sans scrupule autrefois, témoin votre Lucrèce,
Vous emportiez l’argent, et quittiez la maîtresse ;
Mais Rome vous a fait si grand homme de bien,
Qu’à présent vous voulez rendre à chacun le sien :
Vous vous êtes instruit des cas de conscience.

DORANTE.

680Tu m’embrouilles l’esprit faute de patience.
Deux ou trois jours peut-être, un peu plus, un peu moins,
Éclairciront ce trouble, et purgeront ces soins[1].
Tu sais qu’on m’a promis que la beauté qui m’aime
Viendra me rapporter sa réponse elle-même ;
Vois déjà sa servante, elle revient.

CLITON.

685Vois déjà sa servante, elle revient.Tant pis :
Dussiez-vous enrager, c’est ce que je vous dis.
Si fréquente ambassade, et maîtresse invisible,
Sont de ma conjecture une preuve infaillible.
Voyons ce qu’elle veut, et si son passe-port
690Est aussi bien fourni comme au premier abord.

DORANTE.

Veux-tu qu’à tous moments il pleuve des pistoles ?

CLITON.

Qu’avons-nous sans cela besoin de ses paroles ?

  1. Var. Éclaireront ce trouble, et purgeront ces soins. (1648-56)