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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/419

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que le prétendu volume de Laujon : « On parle, dit-il, d’un ancien roman de Rodogune ; je ne l’ai pas vu ; c’est, dit-on, une brochure in-8o imprimée chez Sommaville, qui servit également au grand auteur et au mauvais. Corneille embellit le roman, et Gilbert le gâta. » M. Viguier, qui, dans les Anecdotes[1] auxquelles nous avons fait plus d’un emprunt, reproduit ce passage, ajoute finement : « Le scrupuleux éditeur de Voltaire, M. Beuchot, dont nous aimons à citer le nom avec honneur, nous pardonnera d’appeler le sourire du lecteur sur cette note qu’il attache avec une bonhomie si parfaite au je ne l’ai pas vu de son auteur chéri : « Je n’ai pas été plus heureux que Voltaire. Je n’ai pu découvrir cette Rodogune, brochure in-8o. » Qui n’aurait regret à toutes les insomnies dont cette vaine recherche a dû troubler la longue et savante carrière du consciencieux bibliographe ? »

Voltaire termine ainsi la Préface que nous venons de citer : « Il y a un autre roman de Rodogune en deux volumes, mais il ne fut imprimé qu’en 1668 ; il est très-rare et presque oublié : le premier l’est entièrement. » On trouve à la Bibliothèque impériale ce roman de 1668 ; il est de format in-8o. Son titre exact est : Rodogune ou l’histoire du grand Antiocus. À Paris, chez Estienne Loyson. L’avis Au lecteur est signé d’Aigue d’Iffremont. Il paraîtrait difficile que cet auteur n’eût pas connu, lui, le prétendu roman publié avant le sien chez Sommaville, s’il eût réellement existé. Bien loin toutefois de regarder Corneille comme ayant profité d’un sujet dont quelque contemporain lui avait suggéré l’idée, il lui en attribue l’honneur. « Le nom que j’ai donné à tout l’ouvrage, dit-il, n’est pas inconnu en France. Ce fameux poëte qui a porté si haut la gloire des muses françoises et qui les fait aller de pair avec les grecques et les latines ; ce grand homme qui nous a tantôt représenté sur le théâtre toutes les passions, et de la manière la plus forte, la plus touchante et la plus riche que l’esprit humain puisse imaginer ; enfin l’illustre Monsieur de Corneille en a fait une tragédie que j’appellerois la plus achevée de toutes les pièces que nous avons de lui, s’il y avoit quelque chose à souhaiter dans les autres, et s’il n’étoit toujours également

  1. Page 67.