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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/429

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Démétrius : l’un nommé Séleucus, et l’autre Antiochus[1], dont elle tua le premier d’un coup de flèche, sitôt qu’il eut pris le diadème après la mort de son père, soit qu’elle craignît qu’il ne la voulût venger, soit que l’impétuosité de la même fureur la portât à ce nouveau parricide. Antiochus lui succéda, qui contraignit cette mauvaise mère de boire le poison qu’elle lui avoit préparé. C’est ainsi qu’elle fut enfin punie. »

Voilà ce que m’a prêté l’histoire où j’ai changé les circonstances de quelques incidents pour leur donner plus de bienséance. Je me suis servi du nom de Nicanor plutôt que de celui de Démétrius, à cause que le vers souffroit plus aisément l’un que l’autre. J’ai supposé qu’il n’avoit pas encore épousé Rodogune, afin que ses deux fils pussent avoir de l’amour pour elle sans choquer les spectateurs, qui eussent trouvé étrange cette passion pour la veuve de leur père, si j’eusse suivi l’histoire. L’ordre de leur naissance incertain, Rodogune prisonnière, quoiqu’elle ne vînt jamais en Syrie, la haine de Cléopâtre pour elle, la proposition sanglante qu’elle fait à ses fils, celle que cette princesse est obligée de leur faire pour se garantir, l’inclination qu’elle a pour Antiochus, et la jalouse fureur de cette mère qui se résout plutôt à perdre ses fils qu’à se voir sujette de sa rivale, ne sont que des embellissements de l’invention, et des acheminements vraisemblables à l’effet dénaturé que me présentoit l’histoire, et que les lois du poëme ne me permettoient pas de changer. Je l’ai même adouci tant que j’ai pu en Antiochus[2], que j’avois fait trop honnête homme, dans le reste de l’ouvrage, pour forcer à la fin sa mère à s’empoisonner soi-même[3].

  1. Antiochus, surnommé Grypus.
  2. Voyez le Discours de la tragédie, tome I, p. 79 et 80.
  3. Voltaire a substitué elle-même à soi-même.