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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/486

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SÉLEUCUS.

Elle nous fuit, mon frère, après cette rigueur.

ANTIOCHUS.

1050Elle fuit, mais en Parthe, en nous perçant le cœur.

SÉLEUCUS.

Que le ciel est injuste ! Une âme si cruelle
Méritoit notre mère, et devoit naître d’elle.

ANTIOCHUS.

Plaignons-nous sans blasphème.

SÉLEUCUS.

Plaignons-nous sans blasphème.Ah ! que vous me gênez
Par cette retenue où vous vous obstinez !
1055Faut-il encor régner ? faut-il l’aimer encore ?

ANTIOCHUS.

Il faut plus de respect pour celle qu’on adore.

SÉLEUCUS.

C’est ou d’elle ou du trône être ardemment épris,
Que vouloir ou l’aimer ou régner à ce prix[1].

ANTIOCHUS.

C’est et d’elle et de lui tenir bien peu de compte,
1060Que faire une révolte et si pleine et si prompte[2].

SÉLEUCUS.

Lorsque l’obéissance a tant d’impiété,
La révolte devient une nécessité.

ANTIOCHUS.

La révolte, mon frère, est bien précipitée,
Quand la loi qu’elle rompt peut être rétractée ;
1065Et c’est à nos desirs trop de témérité
De vouloir de tels biens avec facilité :
Le ciel par les travaux veut qu’on monte à la gloire ;
Pour gagner un triomphe il faut une victoire.

  1. Var. De vouloir ou l’aimer ou régner à ce prix. (1647-60)
  2. Var. De faire une révolte et si pleine et si prompte. (1647-60)