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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/512

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TIMAGÈNE.

L’ayant cherché longtemps afin de divertir
1610L’ennui que de sa perte il pouvoit ressentir,
Je l’ai trouvé, Seigneur, au bout de cette allée,
Où la clarté du ciel semble toujours voilée.
Sur un lit de gazon, de foiblesse étendu,
Il sembloit déplorer ce qu’il avoit perdu[1] :
1615Son âme à ce penser paraissoit attachée ;
Sa tête sur un bras languissamment penchée,
Immobile et rêveur, en malheureux amant…

ANTIOCHUS.

Enfin, que faisoit-il ? achevez promptement.

TIMAGÈNE.

D’une profonde plaie en l’estomac ouverte,
1620Son sang à gros bouillons sur cette couche verte…

CLÉOPATRE.

Il est mort ?

TIMAGÈNE.

Il est mort ?Oui, Madame.

CLÉOPATRE.

Il est mort ?Oui, Madame.Ah ! destins ennemis[2],
Qui m’enviez le bien que je m’étois promis !
Voilà le coup fatal que je craignois dans l’âme,
Voilà le désespoir où l’a réduit sa flamme.
1625Pour vivre en vous perdant il avoit trop d’amour[3],
Madame, et de sa main il s’est privé du jour[4].

TIMAGÈNE, à Cléopatre.

Madame, il a parlé : sa main est innocente.

  1. Var. Il sembloit soupirer ce qu’il avoit perdu. (1647-56)
  2. Var. [Il est mort ? tim. Oui, Madame.] ant. Ah ! mon frère ! cl. Ah ! mon fils !
    rodog. Ah ! funeste hyménée ! cléop. Ah ! destins ennemis !
    [Voilà le coup fatal que je craignois dans l’âme.] (1647-56)
  3. Certains exemplaires de l’édition de 1647 in-4o portent ici en marge : à Rodogune.
  4. Var. Et de sa propre main il s’est privé du jour. (1647-56)