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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/517

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À régler ses soupçons sur cette différence,
À voir de qui des deux il doit se défier,
Si vous n’avez un charme à vous justifier.

RODOGUNE, à Cléopatre

1735Je me défendrai mal : l’innocence étonnée
Ne peut s’imaginer qu’elle soit soupçonnée ;
Et n’ayant rien prévu d’un attentat si grand,
Qui l’en veut accuser sans peine la surprend.
Je ne m’étonne point de voir que votre haine
1740Pour me faire coupable a quitté Timagène.
Au moindre jour ouvert de tout jeter sur moi,
Son récit s’est trouvé digne de votre foi.
Vous l’accusiez pourtant, quand votre âme alarmée
Craignoit qu’en expirant ce fils vous eût nommée ;
1745Mais de ses derniers mots voyant le sens douteux,
Vous avez pris soudain le crime entre nous deux.
Certes, si vous voulez passer pour véritable
Que l’une de nous deux de sa mort soit coupable,
Je veux bien par respect ne vous imputer rien ;
1750Mais votre bras au crime est plus fait que le mien ;
Et qui sur un époux fit son apprentissage
A bien pu sur un fils achever son ouvrage.
Je ne dénierai point, puisque vous les savez,
De justes sentiments dans mon âme élevés :
1755Vous demandiez[1] mon sang, j’ai demandé le vôtre :
Le Roi sait quels motifs ont poussé l’une et l’autre ;
Comme par sa prudence il a tout adouci,
Il vous connoît peut-être, et me connoît aussi.

(À Antiochus.)

Seigneur, c’est un moyen de vous être bien chère
1760Que pour don nuptial vous immoler un frère :
On fait plus ; on m’impute un coup si plein d’horreur,

  1. L’édition de 1682 porte : « Vous demandez, » pour : « Vous demandiez. »