Aller au contenu

Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, tome 10.djvu/10

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Si CORRESPONDANCE LITTERAIRE,

La princesse ; ayant voulu tenter de lever la barbe du masque qui la tourmentait avec si peu de ménagement , le comte d’Artois s’en défendit par un mouvement fort brusque ; et l’effort qu’il fit pour lui arracher a elle-même le petit masque qui ne couvrait que la moitie de son vi- sage , y laissa quelques légères meurtrissures. Cette scène malheureusement fut bientôt si répandue et à la ville et à la cour, que madame de Bourbon ne crut pouvoir se dispenser d’en faire porter ses plaintes au roi par M . le prince de Condé et par son père M. le duc d’Orléans. Le due de Bourbon se hâta peut-être un peu trop de dire tout haut que si l'on ne faisait point a sa femme les excuses qu’on lui devait, le parti qu’il avait a prendre n’était pas difficile a deviner. La reine tâcha vainement d’arranger cette affaire ; les négociations les plus adroites furent sans succès , et l’autorité du roi ne put obtenir qu’une réconciliation forcée. La situation de M . le comte d’Artois était fort embarrassante , vu d’un côté les ordres précis de Sa Majesté , de l'autre, l’espèce de menace faite par M. de Bourbon. Les femmes dont ce prince jusqu’alors avait été l’idole , les femmes prirent toutes parti contre lui, et la cause de madame de Bourbon parut celle de tout le sexe, c’est-à-dire à peu près de toute la nation. Leurs cris, leurs suffrages , la voix impérieuse de l’hon- neur français l’emportèrent enfin sur les considérations les plus graves, sur l’autorité même des lois, sur celle du monarque. M. le comte d’Artois donna rendez-vous a M. le due de Bourbon, dans le bois de Boulogne, le lundi 1 6. Le combat dura cinq ou six minutes ; on se battit dans toutes les règles de l’ancienne chevalerie, mais, heureusement , sans aucun accident fâcheux. Le comte d’Artois ne reçut qu’une petite égratignure au