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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/103

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laisse passer une masse d’eau délicieuse, de la grosseur d’un corps humain, qui vient aboutir au cœur de la ville où chacun vient faire sa provision ; l’autre canal reste vide et remplace le premier quand on le nettoie. Cette eau doit franchir les tranchées sur des ponts, et là, les canaux ont un volume de la grosseur d’un bœuf et ils ont la longueur des poutres qui relient les chaussées entre elles. Les marchands transportent l’eau dans leurs barques par toute la ville, et pour la prendre des conduites, ils viennent avec leurs canoas au-dessous des ponts où passent les canaux, et là, des hommes affectés à ce service chargent les canoas d’eau, en échange d’un salaire convenu.

À toutes les entrées de la ville, là où l’on décharge les canoas et où s’accumulent les divers produits qui servent à l’alimentation des habitants, il y a des cabanes où séjournent les gardes chargés de lever une contribution sur chaque produit (voilà l’octroi à Mexico). J’ignore si cette taxe est au profit de l’empereur ou de la ville, on ne me l’a pas dit : mais je crois bien que c’est au profit de l’empereur, car sur les marchés des autres provinces, la taxe se payait au seigneur de l’endroit. Dans tous les marchés et tous les lieux publics de cette capitale, il y a tous les jours une foule de travailleurs et ouvriers de métiers divers qui viennent attendre qu’on les embauche, chacun pour le genre de travail qui le concerne.

Les habitants de cette ville sont plus soignés dans leurs vêtements et de manières plus polies que les habitants des villes de provinces, parce que là siège l’empereur, et qu’il y a toujours autour de lui une foule de grands seigneurs qui influent sur la civilité des gens. Pour ne pas être trop prolixe dans la relation des choses de cette grande ville (et je ne saurais en dire trop), je me résumerai en ajoutant que dans le commerce de la vie, les gens déploient tout autant de politesse et d’aménité qu’en Espagne, et que considérant leur barbarie, leur ignorance du vrai dieu et leur éloignement de toute autre nation civilisée, c’est une chose admirable de voir combien ils sont policés en toutes choses.

Il y a tant à dire sur l’état des maisons de Muteczuma et les admirables choses dont il s’entourait et de sa magnificence, que