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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/120

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fût resté vainqueur, c’eût été le plus grand désastre que l’Espagne eût éprouvé depuis longtemps : car il eût obéi aux instructions de Velasquez qui lui avait ordonné de me pendre moi, et la plupart de mes compagnons, afin que personne ne pût protester contre les événements. Je sus de plus que les Indiens comprenaient parfaitement que si Narvaez s’était emparé de moi comme il l’avait juré, ce n’eût pas été sans d’immenses pertes dans les deux troupes. Profitant donc de la circonstance, ils auraient massacré tous ceux que j’avais laissés dans la ville ; ensuite, ils se seraient réunis pour tomber sur les survivants de manière que leur pays fût à jamais délivré de la présence des Espagnols. Votre Altesse peut être certaine, que si ce complot eût réussi, il eût fallu vingt ans pour reconquérir, et pacifier cette contrée qui était conquise et pacifiée.

Deux jours après la prise de Narvaez, comme je ne pouvais maintenir tant de gens réunis dans la ville, qui était à moitié détruite, les hommes de Narvaez l’avaient pillée, et les habitants s’étant enfuis l’avaient laissée déserte ; je dépêchai deux capitaines avec chacun deux cents hommes, l’un pour aller fonder une ville au port de Goazacoalco où, je l’ai dit à Votre Altesse, j’avais déjà envoyé Velasquez de Léon ; l’autre, à cette rivière (le Panuco) qu’avaient découverte les navires de Francisco de Garay. De plus, j’envoyai encore deux cents hommes à la Veracruz, où je fis venir les navires qu’avait amenés Narvaez et avec le reste de mes troupes je restai à Cempoal pour travailler à ce qui convenait le mieux au service de Votre Majesté. De là, j’expédiai un courrier à la ville de Mexico, pour faire savoir aux Espagnols que j’y avais laissés, tout ce qui m’était arrivé. Ce courrier me revenait douze jours après, m’apportant des lettres de mes alcades me disant que les Indiens révoltés assiégeaient notre quartier de toutes parts, qu’ils y avaient mis le feu et creusé des mines ; que mes gens s’étaient vus dans le plus grand péril et qu’ils seraient massacrés, si Muteczuma n’avait ordonné la suspension des hostilités ; que néanmoins, ils étaient cernés et qu’on ne laissait personne sortir de notre palais. On ajoutait que pendant différentes rencontres, les Indiens leur avaient enlevé beaucoup de vivres, qu’ils avaient brûlé les