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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/123

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Indiens ; ils accouraient poussant des cris et des hurlements les plus épouvantables qui se puissent imaginer. Ils nous lançaient une telle quantité de pierres avec leurs frondes qu’on eût dit une grêle véritable ; et les flèches et les javelots étaient si nombreux, que les cours de notre demeure en étaient pleines, à tel point, que nous pouvions à peine marcher. Je fis deux ou trois sorties dans lesquelles nos ennemis se battirent avec acharnement, si bien, qu’une troupe de deux cents hommes commandées par un capitaine, perdit quatre de ses hommes et rentra blessé avec une foule d’autres ; dans la sortie que je guidais, je fus également blessé ainsi que nombre des miens. De notre côté nous leur faisions peu de mal, parce qu’ils se réfugiaient de l’autre côté des ponts, et que de chaque maison et de toutes les terrasses on nous couvrait de pierres ; nous en prîmes quelques-unes qui furent incendiées. Mais il y en avait tant, toutes fortifiées, occupées par une telle multitude d’Indiens et si bien approvisionnées de pierres et autres projectiles, que nous ne pouvions faire face à tant d’ennemis et les empêcher de nous faire beaucoup de mal. Ils assiégeaient notre palais avec tant de vigueur qu’ils y mirent le feu plusieurs fois ; l’incendie prit un jour une telle extension que nous ne pûmes l’éteindre qu’en sacrifiant une partie du palais dont nous abattîmes les murailles ; et sans la nombreuse garde d’arquebusiers, arbalétriers et artilleurs dont j’avais garni nos approches ils nous eussent enlevés d’assaut. Nous combattîmes ainsi jusqu’à la nuit, que les Indiens remplirent de cris et de hurlements.

Pendant cette nuit, je fis réparer les brèches et renforcer les parties faibles de notre citadelle ; j’organisai les postes et les gens qui devaient les occuper, et les escouades qui devaient sortir et combattre le jour suivant, et je fis panser les blessés qui étaient plus de quatre-vingts.

Au petit jour, les Indiens se précipitèrent sur nous avec plus de rage encore ; ils formaient une telle multitude que nos artilleurs n’avaient pas besoin de pointer, et n’avaient qu’à tirer dans le tas. L’artillerie devait leur faire un mal énorme, car nous avions treize pièces en batterie, sans compter les arquebusiers et les arbalétriers ; eh bien ! ils n’avaient même