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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/143

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assaillants ne pouvaient forcer les portes ; mais à mon arrivée nous entrâmes tous et en si grand nombre, que je ne pus sauver les assiégés, qui presque tous furent immédiatement massacrés. J’aurais cependant voulu m’emparer de quelques-uns vivants, pour m’informer des choses de la grande ville et savoir quel seigneur avait succédé à Muteczuma. Je n’en pus recueillir qu’un seul à moitié mort, dont j’obtins les nouvelles que je dirai ci-après.

Dans l’intérieur de la ville on tua beaucoup de Mexicains qui s’y étaient établis, et quand les survivants apprirent mon arrivée, ils détalèrent au plus vite pour se mettre sous la sauvegarde de l’armée qui campait en dehors ; pendant leur fuite nombre d’entre eux succombèrent. Cette armée, qui occupait une hauteur dominant la ville et la plaine, fut si rapidement mise au courant de ce qui se passait, que les gens qui fuyaient se rencontrèrent avec les leurs accourant à leur secours. Ils étaient plus de trente mille et la troupe la plus brillante que nous eussions jamais vue. Ils étaient couverts d’or, d’argent et de plumages ; comme la ville est grande, ils y mettaient le feu partout où ils passaient. On vint aussitôt m’avertir ; je m’élançai de leur côté avec mes cavaliers seulement, ma troupe étant trop fatiguée ; je les rompis du premier choc, ils reculèrent, et nous sortîmes à leur suite en en massacrant un grand nombre le long d’une montée des plus rudes, tellement que, quand nous atteignîmes le sommet de la montagne, ni les Indiens ni nous autres ne pouvions avancer ni reculer ; il en tomba une foule qui moururent de chaleur, sans une seule blessure ; deux de mes chevaux tombèrent essoufflés, dont l’un mourut. Nous fîmes en somme beaucoup de mal à nos ennemis, car nos alliés indiens accoururent à la rescousse, et comme ils étaient frais et dispos et les Mexicains rendus de fatigue, on en tua beaucoup ; de sorte qu’en peu d’instants le camp fut nettoyé des vivants et rempli de morts. Nous nous emparâmes ensuite de leurs demeures, qu’ils avaient élevées dans les champs voisins : elles étaient divisées en trois quartiers, dont chacun avait d’air d’une petite ille : car, en dehors des gens de guerre, ils avaient de nombreuses suites de serviteurs, et quantité de vivres et de bagages pour leur entretien. Tout fut pillé et incendié par nos alliés les Indiens,