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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/163

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défendis, sous peine de mort, de sortir sans permission de notre palais, palais d’une grandeur telle, qu’une troupe double de la notre eût pu s’y installer tout entière. Je donnai cet ordre parce que les habitants m’avaient l’air de se retirer dans leurs maisons, que les rues me paraissaient à moitié désertes et qu’on ne voyait ni femme ni enfant, ce qui était un fort mauvais signe. Le jour de notre entrée dans la ville se trouvait être la veille de l’année nouvelle ; après nous être installés, nous nous regardions quelque peu inquiets d’avoir vu si peu de monde dans les rues ; puis, nous pensâmes que c’était peut-être par crainte qu’on ne sortait pas, et nous nous tînmes un peu moins sur nos gardes. Vers le tard, quelques Espagnols montèrent sur les hautes plates-formes du palais, d’où le regard embrassait toute la ville, et ils s’aperçurent que les habitants l’abandonnaient : les uns fuyaient avec leurs biens dans la lagune où ils s’embarquaient sur de grands canots appelés acali ; les autres gagnaient la montagne. J’eus bien envie de les arrêter, mais il était tard, la nuit vint et ils fuyaient à toute vitesse. Ainsi, le roi de la province que je désirais garder comme otage ainsi que les principaux habitants de la ville, m’échappèrent et s’en furent à Mexico, à six lieues de là, où ils emportèrent tout ce qu’ils purent enlever. Et c’était pour cela que les messagers étaient venus me trouver, dans l’espoir de me retarder et me détourner d’entrer de suite dans la ville, qu’ils abandonnèrent cette nuit-là.

Nous fûmes ainsi trois jours dans cette ville, sans avoir aucune rencontre avec les Indiens, soit qu’ils n’osassent point venir à nous, soit que nous tinssions peu nous-mêmes à les aller chercher. Mon intention du reste, était de toujours leur accorder la paix quand ils viendraient me la demander. Sur ces entrefaites, les seigneurs de Coathlinchan, Huexotla et Atengo qui sont de grands villages et comme les faubourgs de Tezcoco vinrent me trouver, pleurant et me suppliant de leur pardonner d’avoir abandonné leurs villages ; mais qu’en dehors de cela, ils ne m’avaient point fait la guerre, volontairement du moins, et qu’ils s’engageaient à faire dorénavant tout ce que je leur demanderais, pour le service de Votre Majesté. Je leur répondis que sachant avec quelle douceur je les avais traités, ils avaient