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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/166

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maisons bâties sur l’eau et les Indiens perdirent plus de six mille des leurs, tant guerriers que femmes et enfants ; car les Indiens nos alliés, la victoire décidée, se livrèrent à un massacre général. La nuit vint, je rassemblai mes gens et fis mettre le feu à quelques maisons ; à la lueur des flammes, je me souvins tout à coup, de la chaussée qu’on avait ouverte sur notre chemin et je songeai au grand danger que nous courions ; mes hommes réunis, nous nous mîmes en route. La nuit étant fort obscure, quand nous arrivâmes à la tranchée, vers les neuf heures à peu près, l’eau était si profonde et se précipitait avec une telle violence que nous la passâmes courant et nageant : plusieurs Indiens de nos alliés s’y noyèrent et nous perdîmes tout le butin que nous avions fait dans la ville. Je puis assurer Votre Majesté que si nous n’avions point passé cette nuit-là ou même si nous avions passé trois heures plus tard, personne de nous n’eût échappé, car nous eussions été entourés par l’eau et sans aucune issue pour nous sauver. Au petit jour, nous vîmes les eaux de chaque lagune au même niveau ; l’eau ne courait plus et tout le lac salé était couvert de canots remplis de guerriers croyant nous surprendre. Ce jour-là je retournai à Tezcoco, escarmouchant de temps à autre avec les Indiens de la lagune, mais sans leur faire grand mal parce qu’ils se réfugiaient aussitôt dans leurs canoas. En arrivant à Tezcoco je retrouvai mes hommes fort tranquilles, n’ayant eu ni alarme, ni rencontre et fort heureux de nos succès. Le jour suivant l’un de mes Espagnols mourut de ses blessures ; ce fut le premier que les Indiens me tuèrent en campagne, en ces nouvelles hostilités.

Le lendemain je reçus des envoyés de la ville d’Otumba et de quatre autres villes avoisinantes qui se trouvent à quatre, cinq et six lieues de Tezcoco. Ils venaient me demander pardon de la faute qu’ils avaient commise en prenant parti contre nous dans la dernière guerre, car ce fut à Otumba que s’étaient réunies toutes les forces de Mexico pour nous accabler dans notre retraite.

Ces gens d’Otumba savaient bien qu’ils ne pouvaient se disculper dans cette affaire, encore qu’ils invoquassent une excuse