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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/201

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de me voir et pour une foule de raisons : mes deux troupes se trouvaient en effet perdues entre une telle multitude d’ennemis, que le Seigneur élevait heureusement le courage des miens, tandis qu’il abattait celui de nos adversaires, de manière à les empêcher de se précipiter sur les divers quartiers de mes gens, ce qui aurait pu amener un désastre malgré la ferme résolution de mes Espagnols, de vaincre ou de mourir, comme tous ceux qui n’ont de secours à attendre que de Dieu.

Aussi lorsque mes hommes de Culuacan nous virent à la poursuite des canoas, la plus grande partie d’entre eux, cavalerie et infanterie, s’élancèrent sur la chaussée de Mexico où ils bataillèrent vaillamment avec les Indiens, détruisant leurs barricades, passant les tranchées à pied et à cheval et s’emparant des ponts avec l’aide des brigantins, les Tlascaltecs nos amis, et les Espagnols continuèrent à suivre les Mexicains, qu’ils tuaient en grand nombre, les autres se jetant à l’eau du côté opposé à mes navires, ils s’avancèrent ainsi victorieux, sur la chaussée plus d’une grande lieue, jusqu’à toucher l’endroit où je m’étais arrêté avec les brigantins, comme je le dirai ci-après.

Nous donnâmes bien la chasse aux canoas pendant plus de trois lieues ; celles qui nous échappèrent se réfugièrent entre les maisons de la ville et, comme il était tard, je fis retirer les brigantins que je dirigeai vers la chaussée ; je résolus de m’y arrêter, et je débarquai avec une trentaine d’hommes pour m’emparer de deux petits temples placés sur pyramides. Lorsque nous mîmes pied à terre, les Indiens se jetèrent sur nous fort courageusement pour les défendre ; nous nous en emparâmes avec beaucoup de peine et je fis aussitôt mettre en batterie trois grosses pièces de fer que j’avais apportées, et comme la partie de la chaussée attenant à la ville, sur une longueur d’une demi-lieue, était couverte de monde et les deux côtés de la lagune bondés de canoas avec des gens de guerre, je fis décharger l’une des pièces au milieu de cette foule où elle fit d’affreux ravages ; mais par la négligence d’un artilleur, notre provision de poudre prit feu, heureusement qu’il ne nous en restait guère. Je dépêchai immédiatement l’un des brigantins à Istapalapa, où se trouvait Sandoval, avec ordre de me rapporter toute la