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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/21

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Champoton ou Potonchan et où ils furent assez bien reçus ; mais les naturels ne leur permirent pas d’entrer dans leur village, et cette nuit, les Espagnols s’en furent dormir par terre loin de leurs navires. Les Indiens en profitèrent pour leur livrer bataille le matin suivant et ils combattirent avec une telle rage, qu’ils tuèrent vingt-six Espagnols et que tous furent plus ou moins grièvement blessés[1]. À la suite de ce combat, le capitaine Francisco Fernandez de Cordova s’efforça de regagner ses navires ; puis voyant qu’il avait perdu plus du quart de son effectif, que tous les hommes qui lui restaient étaient blessés, que lui-même souffrait de plus de trente blessures, qu’il était à moitié mort et que c’était miracle qu’il eût échappé, il regagna l’île Fernandina où il fit savoir à Diego Velazquez qu’il avait découvert une terre riche en or, car tous les Indiens portaient aux oreilles et dans les cartilages du nez, des bijoux de ce métal, et qu’il y avait dans ce même pays des édifices de pierre et mortier et beaucoup d’autres choses qui indiquaient une bonne administration et de la richesse : il lui conseillait d’envoyer d’autres navires pour amasser de l’or que l’on trouverait en grande quantité.

Alors Diego Velazquez, enflammé de convoitise plutôt que de zèle pour Vos Majestés, envoya immédiatement un chargé d’affaire à l’île Espagnola avec une demande de sa part adressée aux pères de San Jéronimo qui y résidaient alors comme gouverneurs des îles, pour qu’au nom de Vos Majestés ils lui donnassent l’autorisation et les pouvoirs qu’ils tenaient de Vos Altesses, et qu’il pût envoyer coloniser cette nouvelle contrée ; il les assurait qu’ils rendraient un grand service à Vos Majestés en l’autorisant à commercer avec les naturels, afin d’en obtenir perles, pierres précieuses et tous autres produits, qui lui appartiendraient, moyennant un cinquième réservé à Vos Majestés. Cette autorisation lui fut accordée par les révé-

    et avait fait cette première campagne ; c’est le village qui s’appelait et s’appelle encore Champoton.

  1. Selon Bernal Diaz del Castillo, qui était au nombre des combattants et des blessés, Fernandez de Cordova perdit à Potonchan cinquante-sept de ses soldats dont deux furent pris vivants ; cinq moururent à bord et furent jetés à la mer.