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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/211

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nous avions eu une journée des plus pénibles. D’un autre côté, les sept brigantins étaient entrés dans les canaux de la ville et en avaient brûlé une bonne part. Les capitaines de Tacuba et de Culuacan et leurs six brigantins avaient aussi fait une excellente besogne ; je me tairai sur les détails de leurs combats, satisfaits d’ajouter qu’ils rentrèrent victorieux dans leurs quartiers, sans perte sensible.

Le lendemain au petit jour, après avoir entendu la messe, je partis pour Mexico, dans le même ordre que la veille, avec tous mes gens, afin que l’ennemi n’eût pas le temps de creuser la tranchée et d’élever des barricades ; mais bien que nous fussions partis de bonne heure, sur les trois tranchées qui coupaient la chaussée conduisant à la ville et que nous avions comblées la veille, deux avaient été creusées comme auparavant et il nous fallut les reprendre ; si bien que la lutte se prolongea de huit heures jusqu’à l’après-midi et que nous dépensâmes presque toutes les flèches, poudre, balles et boulets dont s’étaient munis les arquebusiers et les arbalétriers ; et je puis assurer Votre Majesté que nous nous trouvions dans le plus grand péril, chaque fois qu’il fallait s’emparer de ces ponts, parce qu’il fallait nous jeter à l’eau pour passer de l’autre côté ; peu d’entre nous pouvaient ou osaient le faire, car les Mexicains nous repoussaient à coups de sabre et à coups de lance ; mais comme il n’y avait point là de plates-formes d’où ils pouvaient nous accabler de projectiles comme dans la ville, et que d’autre part nous les couvrions de traits, étant fort rapprochés les uns des autres ; que chaque jour nous prenions plus de courage avec une volonté plus ferme de les atteindre ; qu’ils connaissaient à ce sujet mon irrévocable résolution ; il ne leur restait plus qu’à vaincre ou mourir. Votre Majesté pensera que nous étions bien négligents, courant de si grands dangers, à la prise de ces ponts et de ces barricades, de ne pas les garder une fois qu’ils étaient à nous, plutôt que de revenir chaque jour nous exposer aux mêmes périls. Tout étranger en aurait jugé de même et je dois dire à Votre Majesté que cela n’aurait pu se faire qu’à deux conditions : ou que nos quartiers fussent établis sur la place, autour du grand temple, ou que