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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/241

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que, pour ce jour-là, on préparât une estrade sur l’espèce de théâtre qui se trouve au milieu de la place, pour recevoir le grand seigneur, et que l’on préparât également des vivres.

Le lendemain, de bonne heure, nous étions à la ville et j’avisai mes hommes de se bien tenir sur leur garde pour que les gens de Mexico ne nous prissent pas à l’improviste s’ils avaient machiné quelque trahison. Je fis passer le même avis à Pedro de Alvarado. En arrivant à la place, je fis dire à Guatimozin que je l’attendais. Il avait, paraît-il, résolu de ne pas venir, et m’envoya cinq des principaux seigneurs de la ville dont il est inutile de dire les noms. Une fois en ma présence, ils me dirent que leur maître les avait chargés de l’excuser de n’être point venu, qu’il avait une grande crainte de paraître devant moi, qu’il était malade et que ces seigneurs le remplaceraient : que je n’avais qu’à commander, et qu’on ferait ce que je désirerais.

Quoique l’empereur ne fût point venu, nous ne nous réjouîmes pas moins de la mission de ses envoyés, car nous pouvions nous croire en bon chemin pour la conclusion de la paix. Je les reçus le plus gracieusement et leur fis servir à boire et à manger, dont les malheureux avaient le plus extrême besoin. Quand ils eurent mangé, je les priai de voir leur maître, pour l’engager à me venir trouver, les assurant qu’il ne dût avoir aucune crainte, que je le traiterais avec tous les égards voulus, mais que sans lui nous ne pourrions rien terminer.

Je leur fis remettre des vivres et ils me promirent de faire tout ce qu’ils pourraient. Ils partirent. Ils revenaient deux heures plus tard, m’apportant de belles pièces d’étoffe de coton, me disant que Guatimozin leur maître ne pouvait ni ne voulait venir, et qu’il me priait de l’excuser. Je leur répondis que je ne pouvais comprendre pourquoi Guatimozin se refusait à un entretien, puisqu’ils voyaient avec quels égards je les avais accueillis, eux, les promoteurs de cette guerre, et qu’ils avaient pu aller et venir au milieu de nous sans recevoir aucune insulte ; je les priai donc de nouveau de revoir l’empereur pour qu’il vînt me trouver dans notre mutuel intérêt. Ils promirent de le faire, et de revenir le lendemain m’apporter la réponse. Ils partirent et nous regagnâmes nos quartiers.