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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/270

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qu’eux ou leurs envoyés me rencontrassent plutôt que tout autre, me croyant plus apte que personne à surveiller nos intérêts.

Je partis donc avec cent vingt chevaux, trois cents fantassins, de l’artillerie et quarante mille Indiens de nos alliés. Arrivé à la frontière des provinces mexicaines, à vingt-cinq lieues au moins du Panuco, près d’un grand village appelé Coscatlan, je fus attaqué par une forte armée indienne ; comme j’avais moi-même une troupe nombreuse, que le terrain était propice à la cavalerie, le combat ne dura qu’un instant ; et si j’eus quelques hommes et chevaux blessés et si l’on nous tua quelques-uns de nos amis, la rencontre coûta cher à nos adversaires qui perdirent des milliers des leurs. Je restai dans le village deux ou trois jours, tant pour soigner mes blessés que pour recevoir des envoyés d’Indiens qui venaient se déclarer sujets et vassaux de Votre Majesté. Ils me suivirent jusqu’au port, se mettant à ma disposition pour tout ce dont j’avais besoin, et pendant notre marche jusqu’au port, nous ne rencontrâmes pas un ennemi. Loin de là, nous ne trouvions que des gens venant implorer leur pardon et se mettre au service de Votre Altesse.

Arrivé à la rivière et au port, je m’arrêtai dans un village appelé Chila, à cinq lieues de la mer. Il était incendié et désert ; c’était là que les Indiens avaient massacré le capitaine et les gens de Francisco de Garay. De là, j’envoyai des messagers de l’autre côté de la rivière chargés de dire aux habitants de grands villages qui se trouvent au milieu des lagunes, qu’ils n’avaient rien à craindre du passé, que je ne leur ferais aucun mal ; que je savais bien que le village n’avait été détruit qu’à la suite d’une révolte, et que ce n’était point leur faute. Ils ne voulurent rien entendre, maltraitèrent mes envoyés et en tuèrent quelques-uns ; et comme l’eau douce, dont nous nous approvisionnions, se trouvait de l’autre côté de la rivière, ils s’y mettaient en embuscade et attaquaient mes hommes. J’attendis près de quinze jours, pensant les amener à moi et qu’ils traiteraient mes gens comme je traitais les leurs. Mais ils avaient une telle confiance dans la force de leur position au milieu des lagunes,