Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent à la recherche des Espagnols. Les deux navires attendirent pendant six longues journées le retour de ces Indiens, et en grand péril de naufrage, tant la mer était haute et mauvaise comme le pilote l’avait prédit. Voyant donc que ni Espagnols, ni Indiens ne revenaient au rendez-vous, le commandant de la flottille s’en retourna à l’île de Santa Cruz où Fernand Cortes l’attendait. En apprenant cette triste nouvelle, le capitaine en éprouva une douleur extrême, et le lendemain il voulut s’embarquer avec sa troupe et, dût sa flotte périr tout entière, se rendre à la côte et s’assurer par lui-même si Grijalva avait dit la vérité en assurant à son retour à l’île Fernandina que jamais Espagnols quelconques n’avaient abordé, ni ne s’étaient perdus sur la côte yucatèque. La chose résolue, tout le monde s’était embarqué, sauf Cortes et une vingtaine d’Espagnols ; le temps était superbe et toutes choses favorables à la sortie du port, lorsqu’un vent des plus violents s’éleva tout à coup, accompagné de pluie et de bourrasques ; il fallut, suivant l’avis des pilotes, retarder le départ. Le capitaine fit donc désembarquer ses gens. — Le lendemain, vers midi, on vit un canot à la voile se diriger vers l’île ; arrivé près de nous, nous reconnûmes au milieu des passagers l’un des Espagnols prisonniers : il se nommait Jéronimo de Aguilar : il nous raconta comment il se perdit sur la côte yucatèque et depuis combien de temps il était esclave, ce qui confirme ce que nous en avons rapporté à Vos Altesses : de sorte que ce contretemps qui nous avait forcés de relâcher, nous parut un incident soulevé par la Providence pour la plus grande gloire de Votre Majesté. Ce même Jéronimo de Aguilar nous assura que les autres Espagnols qui s’étaient perdus avec lui, lors du naufrage de la caravelle, étaient dispersés dans la province qui était fort grande et qu’il serait impossible de les retrouver sans perdre un temps considérable. Comme le capitaine Fernand Cortes vit que les provisions de la flotte s’épuisaient et que ses gens seraient exposés à de rudes privations s’il séjournait plus longtemps dans ces parages ; que, de plus, il pourrait compromettre le succès de l’expédition ; ses gens consultés, il résolut de partir et mit à la voile sur-le-champ, laissant cette île de Cozumel, qui s’appelle aujourd’hui