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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/351

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mes cousins, Juan de Avalos, fut précipité du haut d’une montagne avec son cheval, eut le bras cassé et n’eût point survécu, s’il n’avait été préservé par sa cuirasse. Ce fut à grand’peine que nous pûmes le tirer de là. Je ne m’étendrai point sur les travaux et les privations dont nous avons souffert, de la faim surtout qui nous tourmentait, car en dehors de quelques porcs qui me suivaient depuis Mexico il y avait plus de huit jours, quand nous arrivâmes à Taniha, que nous n’avions mangé de pain. Nous n’avions que des tiges de palmes cuites avec la viande, sans un grain de sel qui nous manquait depuis longtemps, et des cœurs de palmiers.

Nous ne trouvâmes rien à manger dans ces villages de Taniha, car étant voisins des Espagnols, ils étaient depuis longtemps abandonnés par leurs habitants, qui redoutaient leurs attaques. Cependant, en nous sachant si près du but, nous oublions toutes nos peines passées prêts à souffrir vaillamment celles qui nous attendaient encore et la plus grande de toutes, la faim, car nous n’avions même plus de palmes en quantité suffisante, et ce nous était un grand travail que d’abattre ces gros palmiers ; il fallait toute une journée à deux hommes pour en abattre un seul, dont ils dévoraient la substance en une demi-heure.

Ces Indiens me donnèrent des nouvelles des Espagnols ; ils me dirent que pour arriver auprès d’eux, il y avait deux journées de mauvais chemin et que, avant Nito, se trouvait une grande rivière qu’on ne pouvait passer sans canoas, car elle était si large que personne ne pourrait la traverser à la nage. J’envoyai aussitôt quinze piétons avec l’un des guides pour examiner le chemin et la rivière ; je leur recommandai de s’emparer de quelques-uns de ces Espagnols, qui pussent me dire quels gens ils étaient ; si c’étaient ceux que j’avais envoyés avec Cristobal de Oli, ou ceux de Francisco de Las Casas, ou bien les Espagnols de Gil Gonzalez de Avila. Ils partirent et l’Indien les conduisit à la rivière où ils s’emparèrent de la canoa de certains marchands avec laquelle ils traversèrent la rivière et là se cachèrent pendant deux jours, jusqu’à ce qu’ils s’emparassent d’une canoa qui venait du village et chargée de quatre