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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/60

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quante ; je leur fis couper les mains et les renvoyai à leur maître, les chargeant de lui dire, que de nuit comme de jour, quand et comme il lui plairait, il pouvait venir et trouverait à qui parler.

Je fortifiai le camp du mieux que je pus ; je posai des vedettes dans les environs et je fus sur le qui-vive jusqu’au coucher du soleil. Aussitôt la nuit venue, les ennemis commencèrent leur approche par deux vallées, croyant venir inaperçus et nous entourer pour exécuter leurs desseins. Comme j’étais sur mes gardes, je les vis et il me parut fâcheux de les laisser venir jusqu’au camp, où de nuit, ne nous voyant pas, ils pourraient approcher sans trop de crainte ; je redoutais aussi que mes Espagnols dans l’obscurité n’eussent quelque faiblesse et que les Indiens ne missent le feu à nos paillotes, auquel cas, aucun de nous n’aurait échappé. Je résolus donc de sortir à leur rencontre avec tous mes cavaliers pour, si possible, les disperser. Ce fut justement ce qui arriva. Car nous entendant venir, ils se jetèrent en silence dans les maïs, dont les champs étaient couverts : ils abandonnèrent même une partie de leurs vivres pour nous assaillir avec plus de vigueur. Mais la nuit se passa sans incident. Après cette alerte, je restai quelques jours sans sortir de mon camp : je n’en sortis que pour pousser quelques pointes aux environs, où j’eus à repousser des troupes d’Indiens qui venaient nous harceler en poussant leurs cris de guerre.

Après m’être un peu reposé, je sortis une nuit après la première garde, avec cent de mes fantassins, ma cavalerie et nos alliés indiens ; à une lieue de là, cinq de nos chevaux s’abattirent, et nos efforts pour les faire avancer restèrent vains : je les fis s’en retourner. Tous les gens de ma compagnie m’engageaient a retourner aussi, disant que c’était de mauvais augure, mais je poursuivis mon chemin, sachant que Dieu est au-dessus de tout. Avant que le jour parût, je tombai sur deux villages où je tuai beaucoup de monde. Je ne brûlai pas les maisons pour que les lueurs de l’incendie ne jetassent point l’alarme parmi les populations environnantes. Quand le jour parut, je tombai sur un autre village, si important, qu’il contenait d’après notre estimation plus de vingt mille cases. L’ayant pris par