Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur avais fait ; que je venais à eux croyant venir en terre amie, les Indiens de Cempoal m’ayant affirmé qu’ils étaient mes amis et désiraient l’être ; que je leur avais envoyé des messagers pour leur faire savoir comment je venais en toute confiance, comptant sur leur amitié, et qu’ils m’avaient traîtreusement assailli, m’ayant tué deux chevaux et blessé trois autres ; que, de plus, après m’avoir combattu, ils m’avaient envoyé des messagers pour m’assurer que l’attaque avait eu lieu sans leur participation ; que certains villages s’étaient déclarés contre nous sans leur en faire part, mais qu’ils les en avaient repris, car, pour eux, ils recherchaient mon amitié, — et moi, les croyant sur parole, je leur avais dit que c’était parfait et que je me rendrais le jour suivant dans leurs maisons comme en maisons d’amis et qu’ils s’étaient jetés sur moi, en combattant jusqu’à la nuit, quoique je leur eusse demandé la paix ; — je terminai, leur rappelant tout ce qu’ils avaient encore fait contre moi et autres choses que je passe sous silence pour ne pas importuner Votre Majesté. Finalement, ils se reconnurent sujets et vassaux de Votre Majesté, et mirent à votre service leurs personnes et leurs biens, engagement qu’ils ont rempli jusqu’à ce jour et qu’ils rempliront à l’avenir comme le verra Votre Majesté. Je restai néanmoins dans mon campement pendant six ou sept jours, ne me fiant pas entièrement à eux ; ils me priaient de me rendre dans une grande ville où tous les seigneurs de la province avaient leur résidence, et ils revinrent à tour de rôle me supplier d’y aller : que je serais fort bien reçu et mieux pourvu de toutes choses que dans mon camp. Ils étaient honteux, disaient-ils, de voir que j’étais si mal logé, avec mes amis et les vassaux de Votre Altesse. Je cédai à leurs instances et je vins à la ville qui se trouve à six lieues de mon camp. Cette ville est si grande et si belle que je n’en dirai pas la moitié de ce que j’en pourrai dire, et le peu que j’en dirai est presque incroyable, car elle est plus grande que Grenade ; elle est mieux fortifiée ; ses maisons, ses édifices et les gens qui les habitent sont plus nombreux que ceux de Grenade au temps où nous en fîmes la conquête, et mieux approvisionnée de toutes les choses de la terre, pain, oiseaux, gibier,