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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/85

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ordonna de se rendre à la ville de Nautla, qui se trouve à soixante ou soixante et dix lieues de Tenochtitlan, d’en ramener Qualpopoca et tous autres individus compromis dans le meurtre des Espagnols ; que s’ils s’y refusaient on les ramenât prisonniers, et que s’ils résistaient on convoquât les milices de certaines communes voisines que l’empereur leur signala et qu’on les ramenât morts ou vifs. Ceux-ci partirent sur l’heure. Après leur départ je dis à Muteczuma combien je le remerciais de la diligence qu’il mettait à s’assurer des coupables, puisque j’avais à rendre compte à Votre Altesse de la vie de ces Espagnols, mais qu’il serait bon qu’il vînt au palais jusqu’à ce que cette affaire fût éclaircie ; que je le priais instamment de ne point s’offenser de cette mesure ; qu’il jouirait près de moi de toute sa liberté ; que je n’interviendrais en aucune manière dans l’administration de ses États ; qu’il choisirait une salle du palais quelle qu’elle fût et que je serais tout à ses ordres ; qu’il pouvait être certain que rien de notre côté ne pourrait le blesser, et qu’au contraire chacun de nous s’empresserait à son service. À ce sujet nous causâmes longuement de choses qui seraient trop longues à dire et dans le cas sans importance. En somme je puis affirmer qu’il acquiesça et me dit qu’il viendrait avec plaisir. Je mandai sur l’heure qu’on préparât son appartement qui fut aussitôt prêt et fort élégamment organisé. Un grand nombre de seigneurs vinrent alors près de Muteczuma, quittèrent leurs vêtements officiels et nu-pieds apportèrent un palanquin fort modeste sur lequel ils emmenèrent leur maître ; ils pleuraient en silence ; et ce fut dans cet appareil qu’ils arrivèrent à mon palais sans qu’il y eût de trouble dans la ville, qui cependant commençait à s’émouvoir. Des que le prince en eut connaissance il envoya des gens pour calmer la foule, qui s’apaisa. Depuis, chaque chose reprit son cours et la plus grande tranquillité régna tout le temps que je retins Muteczuma prisonnier, car il se plaisait auprès de moi, et rien ne manquait à son service, aussi luxueux que dans son propre palais, service merveilleux dont je parlerai plus tard. Quant à moi et mes compagnons, nous faisions tous nos efforts pour lui être agréables.