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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/97

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ment de cette capitale, aussi bien que dans les autres villes qui en dépendent, il faudrait un temps infini et plusieurs écrivains habiles. Pour moi, je ne saurais dire la centième partie des choses que j’aurais à dire ; mais je m’efforcerai de conter les choses que j’ai vues, et, bien que mal dites, elles paraîtront encore si extraordinaires, qu’on ne voudra pas les croire, puisque nous, qui les ayons vues de nos yeux, notre raison se refuse à les comprendre. Mais je puis assurer à Votre Majesté que si ma relation pèche par son insuffisance, elle sera toujours au-dessous plutôt qu’au-dessus de la réalité des choses, car en ceci, comme en tout ce que je pourrais écrire à Votre Altesse, je m’engage à dire à mon prince et seigneur la vérité, sans rien ajouter qui l’augmente ou la diminue.

Avant de raconter les merveilles de cette grande ville et des autres dont je vous parlerai dans un prochain chapitre, je crois que pour mieux me faire comprendre, je dois d’abord décrire la ville de Mexico, où se trouve située cette ville et celles que j’ai citées et comment est composé l’empire de Muteczuma. Ce royaume est de forme ronde, entouré de hautes et pittoresques montagnes, et la plaine peut compter soixante et dix lieues de circonférence ; dans cette plaine, il y a deux lagunes qui l’occupent presque tout entière, car le service des canoas embrasse plus de cinquante lieues. La plus petite de ces lagunes a de l’eau douce, la plus grande de l’eau salée. Un groupe de monticules élevés qui se trouvent au milieu de la plaine, les sépare, et elles communiquent par un détroit qui s’ouvre entre les monticules et la montagne. Ce détroit peut avoir de largeur la portée d’une arbalète, et pour le passage d’une lagune à l’autre, les habitants des villes et villages qui vivent sur leurs bords, se sont entendus pour le libre passage de leurs canoas qui leur évite la route de terre. Cette grande lagune salée a ses flux et reflux comme la mer, de sorte qu’à chaque flux, la lagune salée se précipite dans la lagune d’eau douce avec l’impétuosité d’un torrent, tandis qu’au reflux c’est l’eau douce qui se jette dans l’eau salée.

Cette grande ville de Tenochtitlan est fondée entre la lagune d’eau salée et la terre ferme : aux approches de la ville, de