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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome I, 1926.djvu/27

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empires de l’est : chine

d’embourgeoiser n’importe quel système philosophique. À vrai dire, les idées de Confucius ne revêtaient pas absolument le caractère philosophique. Elles constituaient plutôt un code social composé d’éléments recueillis uniquement dans le passé. Et cela suffisait à grouper autour du réformateur les mécontents de plus en plus nombreux et fort enclins à opposer au bel ordre d’autrefois l’anarchie féodale dont ils étaient les témoins attristés.

En établissant leurs institutions, les hommes se sont souvent efforcés d’instinct d’y combiner l’esprit de tradition et l’esprit de nouveauté, tant il est conforme à la nature humaine de ne pouvoir ni se détacher de ce qui fut ni se désintéresser de ce qui sera. Mais, en général, il n’y ont guère réussi. Du reste faire la part égale entre la tradition et la nouveauté — équilibre difficilement réalisable — reviendrait à les annuler l’une par l’autre. Il est normal que l’une des deux prédomine et le dosage pour bien faire, devrait s’opérer à l’inverse du tempérament de la nation et du milieu dans lequel elle se développe.

Confucius avait en face de lui un peuple issu de la steppe et porté comme tous les pasteurs, au respect inébranlable de la tradition. De ce respect il fait un fétichisme. Les rites déborderont du domaine religieux sur celui de la vie intime. Il y aura des préceptes pour se tenir et saluer, pour se lever et s’asseoir, pour boire et manger. Chaque chose devra s’accomplir selon les règles. Par là on honorera les ancêtres tout en travaillant au bien des vivants car la moindre innovation individuelle risquerait de nuire à la communauté à laquelle l’individu doit se sacrifier entièrement. C’est elle, en somme, qui est Dieu. Sans nier Dieu, Confucius le relègue en des cieux indistincts. À peine sa société cristallisée en a-t-elle besoin. Il suffit de maintenir toutes choses telles que les anciens les ont établies et sous la surveillance des sages et des « hommes supérieurs », la foule goûtera le bien-être et le repos.

On oppose volontiers à Confucius son contemporain Lao Tsé. L’opposition se dessina surtout par la suite quand se développèrent, frayant la voie au bouddhisme, les germes de mysticisme et de pessimisme dont sont imprégnés les écrits de Lao Tsé et de ses successeurs. Lao Tsé venait du sud. Depuis qu’à l’avènement des Tcheou, la région de Shanghaï avait été soumise à la domination chinoise, les féodaux avaient entrepris la conquête progressive du bassin du Fleuve Bleu afin de s’y tailler des principautés. La contrée différait essentiellement de la Chine du nord : un sol moins productif mais un climat plus doux, des