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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome I, 1926.djvu/73

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empires du sud : inde

à Marc Aurèle. Il le dépasse. Son célèbre Édit de tolérance (1593) ne se borne point à permettre à tous les Hindous islamisés de force sous les précédents règnes de retourner librement à leurs anciennes croyances — ce qui déjà témoignait d’un remarquable courage. Il se dégage de cet édit bien plus que de la tolérance, bien plus que le respect des consciences. On y sent une ardente aspiration vers l’émancipation de l’esprit humain et l’union des âmes. On y pourrait placer comme préambule ces lignes du philosophe Aboul Fazl, le confident des pensées d’Akbar : « Un jour, je visite l’église, un jour la mosquée mais, de temple en temple, je ne cherche que toi, ô mon Dieu ». Ayant brisé le joug despotique du clergé orthodoxe musulman mais protégeant à la fois les brahmanistes, les chrétiens, les bouddhistes, les mahométans, les libre-penseurs Akbar avait conçu au-dessus de toutes croyances une sorte d’atmosphère morale faite de justice, d’espérance et de bonté ; et son effort tendit à créer cette atmosphère et à la répandre.

Toute entreprise humaine qui monte trop haut rencontre sa limite et éprouve sa faiblesse. Akbar avait convoqué des « congrès des religions » pour comparer dans une lumière apaisée les solutions diverses du problème métaphysique. Or son admiration justifiée pour l’Avesta et l’enseignement de Zoroastre le conduisit sur le tard à en tirer les éléments d’un culte qu’il voulut superposer aux autres. Cette erreur l’entraîna hors de l’équilibre intellectuel auquel il avait su atteindre mais sans le détourner, bien entendu, de la saine politique qu’il avait toujours suivie. Il légua donc à ses enfants une autorité pleinement assurée et justifiée. Par une symétrie déplorable, l’œuvre qu’Akbar avait édifiée en un règne de quarante-neuf ans emplissant la seconde moitié du xviime siècle fut détruite par son arrière petit-fils, Aurengzeb (1659-1707) en un règne d’égale durée occupant la période correspondante du xviiime siècle. Dans l’intervalle avaient passé deux princes insignifiants sauf pour les merveilleux monuments qui nous en restent et notamment le mausolée d’Agra, le Taj Mahal, chef-d’œuvre inégalé de l’art indo-persan. Aurengzeb, s’étant assuré le trône par l’assassinat de ses frères et l’emprisonnement de son père, s’y montra mahométan fanatique, persécuteur acharné, administrateur imprudent et pressureur. Sectaire, fourbe et cruel, c’est assurément une des plus sinistres physionomies de l’histoire asiatique. Il sema autour de lui des germes de haine et de ruine. En vain écrasa-t-il les révoltes. Dès sa mort, le morcellement se produisit. Les gouverneurs