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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome II, 1926.djvu/178

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les ottomans

Vienne, l’autre en 1571 dans le golfe de Lépante. Ni alors ni depuis le gouvernement de Constantinople bien qu’introduit par le roi de France François Ier dans le jeu de la diplomatie européenne, ne sut s’égaler aux circonstances. Il n’eut jamais de politique extérieure, se bornant à s’appuyer sur les divergences d’intérêts et les oppositions d’influence des divers impérialismes aux prises en Europe.

Encore moins eut-il une politique intérieure digne d’un grand État. Après leur établissement en Europe les sultans avaient distribué des fiefs (siamet et timar, des grands et des petits) mais aucun n’était héréditaire du moins en droit. Le souverain pouvait à chaque génération confirmer ou annuler la donation. Le possesseur du fief était tenu d’équiper des troupes en proportion des ressources de son domaine et de répondre à l’appel de guerre. C’était là sa seule raison d’être. Lever des impôts au fur et à mesure des besoins et au-delà, puis se mettre en campagne au moindre signal, on ne lui demandait rien autre. D’administration il n’y eut point sinon à Constantinople où les Grecs du Phanar (le quartier de la ville où ils résidaient) accaparèrent peu à peu la direction des services. Seuls, actifs et cultivés, on ne pouvait se passer d’eux. Les « phanariotes » réalisèrent de la sorte de grandes fortunes et bien qu’ils aient souvent par intérêt consenti à se charger de besognes peu honorables, ils rendirent à la cause grecque un précieux service en maintenant leur langue et leur religion vivantes au centre de leur ancienne capitale conquise par l’islam. Quant aux janissaires, lorsque la période d’assaut perpétuel eut pris fin et que l’offensive se trouva limitée et coupée de longues inactions, ils se muèrent en une garde prétorienne turbulente et capricieuse. Des révoltes et des massacres se succédèrent. Des sultans furent tués ; d’autres brutalement déposés. Le désordre et l’incurie régnèrent alimentés par une extraordinaire apathie qui ressemblait à la fatigue qu’engendre parfois un effort corporel trop violent et trop prolongé. Au soir du xixme siècle seulement des désirs de régénération se manifestèrent dont on ne peut dire encore s’ils réussiront à galvaniser la race ou s’ils ne seront que la tentative impuissante et candide de quelques isolés.