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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome II, 1926.djvu/60

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l’hellénisme

hellénique qui voyageait ainsi avec lui. Nulle confusion pourtant dans ces services si variés. L’ordre et l’eurythmie s’y maintenaient. Lorsque Sandracotta, comme nous l’avons dit, se trouva en contact avec le souverain, ses généraux et ses administrateurs, il eut la révélation d’un monde supérieur et quand il regagna Patna, sa mentalité en était transformée. On était pourtant au plus loin vers l’est et c’était l’instant où les troupes lasses commençaient à murmurer d’un si long exil. Rentré à Suse (325) puis à Babylone (324), Alexandre se retrouva en pleine atmosphère iranienne ; il se garda encore une fois de porter la main sur les rouages perses. L’organisation des satrapies avait à son point de vue, certains inconvénients mais elle concordait avec tout un système routier, postal, fiscal, monétaire qu’il jugeait opportun de maintenir. Il y joignit l’adoption des vêtements, parures, cérémonial et protocole perses, moitié par amusement et griserie de jeunesse et moitié par calcul habile pour consolider son pouvoir. Mais, de cette religion iranienne faite pour séduire un grand esprit, il ne prit rien. Il la respecta comme toutes les autres, davantage sans doute. Elle ne le détourna point de son attachement à Apollon ; donc il restait hellène. Son ami Héphestion était pour lui une manière de grand vizir mais il gardait pour principal confident et conseiller intime son dévoué et remarquable secrétaire, Euménès de Kardia. D’autre part la noblesse iranienne dont il avait besoin pour son armée s’était éprise de lui. Il ne pouvait pas ne pas l’estimer à sa haute valeur. A-t-il rêvé de créer le surhomme-type par la fusion des races ? C’est possible. En épousant une princesse perse, il donna l’exemple et quatre-vingts de ses généraux en firent autant. Ses soldats les imitèrent. Fallut-il faire pression sur eux ? C’est peu probable. En tous cas à Suse dès 325, on comptait dix mille enfants nés de ces mariages mixtes. On a dit qu’Alexandre songeait à transplanter par échange les populations d’Anatolie et de Thrace ; il est à remarquer que des deux parts, il s’agissait de populations hellénisées et non point de pur sang hellène. La distinction vaut d’être relevée car elle éclaire la pensée du conquérant.

Mais pour hellène qu’il fut resté, Alexandre était devenu empereur ; il est le premier des empereurs grecs. Dès son temps, il y eut passablement d’Hellènes séduits par l’idée de la monarchie universelle, si peu hellénique fut-elle. C’était pourtant la minorité ; la grande majorité y était hostile. On ne comprenait pas aisément en Grèce le spectacle auquel on assistait. D’ailleurs l’absence