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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome III, 1926.djvu/124

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histoire universelle

même assurance. Au printemps suivant, dans un combat devant Compiègne, elle fut prise par des soldats du parti bourguignon et vendue aux Anglais qui l’emmenèrent à Rouen. Son procès commença en décembre et ce ne fut que le 30 mai 1431 qu’elle périt sur le bûcher. Il est répugnant et du reste difficile d’additionner les lâchetés, les hypocrisies, les mensonges, les infamies de tout genre qui s’y multiplièrent. Le roi, les nobles, les Anglais, l’Église, l’université de Paris en recueillirent une honte véritable. Quant à l’opinion, elle demeura presque étrangère à ces événements. Un grand souffle de renouveau passait sur elle sans qu’elle en connût l’origine ou la nature. L’épopée avait été si locale, si brève, si étrange aussi, qu’en bien des provinces, elle n’avait pas éveillé d’écho sinon comme un vague bruit légendaire. Ceux-mêmes qui avaient connu Jeanne et qui avaient cru en elle s’écartaient de sa mémoire. Comme les eaux de la Seine avaient recouvert son cadavre carbonisé, ainsi l’oubli descendit d’abord sur son nom mais le sort lui réservait la compensation d’une apothéose indéfinie en faisant d’elle la figure la plus pure de toute l’histoire et comme l’exemplaire unique d’une humanité surhumaine.

Les quelques hommes de guerre dont elle avait su « renouveler les âmes », Dunois, Richemont, La Hire, Xaintrailles suffirent à neutraliser la mollesse du roi et la pleutrerie de son entourage. Les Anglais s’épuisaient. Ils durent capituler dans Paris le 13 avril 1436. Ils s’y étaient rendus odieux. La ville était d’ailleurs dans le plus triste état. Quand le roi y rentra, on y comptait vingt-quatre mille maisons abandonnées ou prêtes à s’effondrer. En Normandie également, les Anglais, par leurs cruautés maladroites, n’avaient su qu’entretenir et attiser la haine. Dès l’année précédente, Philippe de Bourgogne, jugeant leur cause perdue, avait traité avec Charles VII. La paix néanmoins fut lente à venir. La guerre plusieurs fois se ralluma après quelques années de trêve tant il en coûtait à l’envahisseur de renoncer à la possession des belles terres français qu’il avait cru tenir définitivement. Seule Bordeaux, fort enrichie par la domination anglaise, s’en était accommodée. Il fallut faire deux fois violence à la ville — en 1451 et en 1453 — pour qu’elle consentît à redevenir française. Partout ailleurs l’élan patriotique avait été unanime. Les rancunes de l’Angleterre furent tenaces. Édouard IV et même Henri VII (1485-1509) se sentirent incités à la revanche par leurs sujets. Ce dernier souverain alla jusqu’à mettre le siège devant Boulogne. Mais comprenant le