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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome III, 1926.djvu/126

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histoire universelle

d’immenses domaines et se refusaient à payer des impôts. La noblesse intervenait à chaque changement de règne pour confirmer ou modifier à sa convenance l’ordre de succession. Lorsque le hasard eut donné au Danemark et à la Norvège le même roi, Olaf, au nom duquel sa mère Marguerite exerça la régence dans l’un et l’autre pays, l’accession de la Suède à l’acte signé à Kalmar (1396) put faire croire qu’un grand progrès politique en allait sortir. Il n’en fut rien. Aussi bien « l’union de Kalmar » n’était-elle qu’un geste vague, incomplet et que les représentants qualifiés de la nation suédoise ne se trouvèrent jamais appelés à ratifier. Après un demi-siècle d’une application douteuse, le pacte perdit toute valeur effective. Aucune aspiration intellectuelle ne venait rehausser la faiblesse des institutions. Il régnait en ces régions une sorte d’isolement cérébral ; l’ignorance prédominait ainsi que l’apathie à l’égard de toute orientation nouvelle. Seuls quelques Suédois continuaient de regarder vers l’embouchure de la Néva comme s’ils évoquaient l’odyssée de Rurik et la fondation de l’État russe. En fait, au xiiime siècle, Russes et Suédois s’étaient battus à plusieurs reprises ; inconsciemment c’est la Finlande que déjà ils se disputaient : la Finlande émergeant à peine de l’entière barbarie mais tentante dès le principe par son sol et sa position. Quant à l’Islande, indépendante jusque vers 1261, elle avait alors été rattachée à la Norvège. Depuis l’accord de Kalmar, elle dépendait du Danemark. Elle aussi semblait en déclin physique et moral.

Les Allemands, après la mort de Frédéric II s’étaient vus aux prises avec une situation singulière. Le Saint-empire ne trouvait plus que des titulaires étrangers. C’était la formule même de cet empire qui en détournait les candidats. « Rome, avait-on dit, est l’antre du lion ; toutes les traces montrent qu’on y va : aucune n’indique qu’on en revient ». Cette opinion qui avait commencé par être celle de l’élite se répandait maintenant dans la foule. C’est pourquoi Rodolphe de Habsbourg fut bien accueilli. Il apportait une formule nouvelle. On ne s’occuperait plus de l’Italie. L’Allemagne se suffisait. Qu’avait-elle besoin de cultiver des traditions antiques dont il fallait aller chercher à Rome la coûteuse et indécise consécration ? Rodolphe était actif, enjoué et bienveillant. Il jouissait non seulement en Argovie, berceau de sa famille, mais dans une bonne partie de l’Allemagne du sud, d’une saine popularité. La satisfaction fut générale lorsqu’en