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auteur, « ramené au temps de Louis le gros ». Jugement d’ailleurs très exagéré. Une différence primordiale subsistait entre les deux époques. La royauté capétienne avait poussé dans le sol français d’assez fortes racines pour y avoir engendré une opinion publique qui bien que silencieuse et dissimulée faute d’organes par lesquels se manifester, constituait aux côtés du roi une force considérable. Celui-ci, à défaut d’un grand sens politique, savait se faire des amis parmi les petites gens qu’il s’entendait à interroger et à flatter. Mais il avait de ses talents une trop haute opinion et se jugeant capable de duper tout le monde commença par se faire abondamment duper lui-même. Le duc Charles n’avait pas moins de suffisance ni davantage de scrupules. Les deux rivaux s’affrontèrent à Péronne qui appartenait au duc et le roi s’y étant bonnement présenté s’y vit retenir prisonnier. Il ne se libéra que fortement rançonné et en même temps humilié et bafoué. Ce dernier point toutefois ne lui était guère à cœur, son orgueil étant d’une autre nature que celui du duc. Il ne se tenait jamais pour engagé par aucune espèce de parole. Rentré chez lui, il se reprit à échafauder mille intrigues et à mettre sur pied un vaste système de corruption.

Cependant Charles le téméraire assiégeait Beauvais : siège mémorable à raison du rôle qu’y joua une femme, Jeanne Hachette. Il s’entendit avec Édouard IV lequel continuait à s’intituler : roi de France et d’Angleterre. Édouard débarqua en France. Louis XI se fit battre mais par bonheur pour lui Édouard et Charles qui se jalousaient ne purent s’entendre pour une action commune. Charles se retourna du côté de la Lorraine, s’en empara et s’établit à Nancy. Désormais il pouvait aller de Dijon à Gand sans sortir de ses terres ; cela lui constituait un patrimoine considérable et d’un seul tenant. Mais assoiffé de grandeur et d’omnipotence, atteint peut-être d’une sorte de neurasthénie, il chercha querelle aux Suisses. Nous avons déjà vu l’étonnante issue de cette aventure, les mémorables victoires de Grandson et de Morat qui tirèrent la France d’un péril singulier. Comme conséquence, la Lorraine se souleva et l’an 1477 Charles le téméraire périt misérablement dans un combat sous Nancy.

Il laissait une fille unique, Marie, âgée d’environ vingt ans. Louis XI fit preuve envers elle d’une grande maladresse. Au lieu de l’attirer et d’offrir à son isolement une protection séante, il la jeta par ses mauvais procédés dans les bras d’un époux par qui elle était pressée de se sentir défendue, Maximilien d’Autriche. Ce mariage dont il devait résulter tant de malheurs et une longue