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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome III, 1926.djvu/157

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l’europe à la fin du xve siècle

pareil cas, d’une sorte d’éloignement pour la politique, d’une répugnance à s’intéresser aux affaires publiques sinon dans leurs rapports directs avec l’intérêt privé. Et c’est ainsi que les libertés pour lesquelles on avait jadis tant lutté et qui avaient été si près de se cristalliser, aussi bien qu’en Angleterre, en une tradition intangible, ne rencontraient plus dans l’opinion générale l’appui qu’il eût fallu. En 1439 Charles VII s’était fait reconnaître le privilège de lever les « aides et tailles » (c’est-à-dire l’impôt) de sa propre autorité : privilège que sans doute les députés n’avaient consenti qu’à titre provisoire car il était en complète contradiction avec les principes posés en 1355 et 1356, à savoir que « nulle taxe ne pouvait être levée qu’avec le consentement des États ». Philippe de Commines appréciant cette imprudence osa dire que par là le roi faisait « à son royaume une plaie qui longtemps saignera » et plus tard Tocqueville jugera que la Révolution de 1789 a tiré de l’acte de 1439 sa plus lointaine origine. Louis XI n’aimait rien de ce qui eût constitué un contrôle de ses actes. Mais il tenait à dissimuler son despotisme sous des apparences de bonhomie libérale. Il s’était avisé de réunir séparément les États de la « langue d’oïl » à Chinon ou à Orléans, ceux de la « langue d’oc » à Carcassonne ou à Montpellier, évitant par là des assemblées générales dont il redoutait les initiatives possibles. Encore à partir de 1439 s’abstint-il de renouveler ces convocations.

À l’avènement de son héritier le faible Charles VIII qui n’avait que treize ans et était encore sous la tutelle de sa sœur Anne de Beaujeu, on jugea nécessaire d’appeler les États-généraux. Ils s’ouvrirent à Tours (1484). Deux cent quarante-six députés des trois ordres y participaient. L’assemblée se montra digne de celles du xivme siècle « par la précision avec laquelle elle formula les principes du droit national ». Entr’autres harangues explicites, on entendit celle de Philippe Pot, seigneur de la Roche, disant : « Le peuple souverain créa les rois par son suffrage. Ils sont tels non afin de tirer un profit du peuple et de s’enrichir à ses dépens mais pour, oublieux de leurs intérêts, l’enrichir et le rendre heureux ». Il fut rappelé que « la royauté est un office, non un héritage » que « l’État est la chose du peuple et le peuple l’universalité des habitants du royaume » qu’un édit « ne prend force de loi que par la sanction des États-généraux » toutes doctrines vers lesquelles l’esprit public s’était orienté depuis plus d’un siècle mais dont il semblait à présent ne plus apprécier autant la valeur et l’urgence. Et quand au nom du gouvernement, le chan-