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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome III, 1926.djvu/46

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histoire universelle

l’apostolat des moines celtes. Que savaient-ils des vieilles légendes germaniques, d’Odin et de son paradis le Walhalla où les guerriers courageux chassent et festoient éternellement, de Freia la bonne déesse qui procure l’abondance et la joie ?… Il était réservé à un anglo-saxon, le moine Winfrid plus connu sous le nom de St-Boniface de transformer la Germanie. Celui-là saurait mieux comment s’y prendre. Boniface y dépensa trente-six ans de sa vie, de 719 à 755. Resté en contact avec Rome où il retournait de temps à autre, son action s’exerçait directement au nom du pape et elle s’en trouvait facilitée par l’écho qu’à travers les siècles éveillait encore chez tout Germain l’illustration romaine. Il avait su d’autre part se rendre favorable Charles Martel dont la réputation militaire dépassait les frontières de l’État franc et cette protection l’aidait aussi dans ses pérégrinations. Il allait d’ailleurs sans défense comme sans peur. La formule qui le soutenait n’était point celle du « baptême forcé » dont s’inspirait Charlemagne. Il se guidait sur les sages instructions que Grégoire le grand avait, cent cinquante ans plus tôt, donné aux missionnaires chargés par lui d’entreprendre la conversion de l’Angleterre et que le supérieur de Boniface venait de renouveler : être doux et persévérant ; ne pas froisser inutilement les croyances ni heurter les habitudes ; conserver en le christianisant tout ce qui pouvait être utilement conservé des pratiques païennes ; progresser lentement et sans à-coups. « Une montagne ne se gravit que pas à pas », avait dit le pape. D’autre part, la leçon donnée par le fondateur des Bénédictins qui avait proclamé la sainteté du travail manuel et obligé son ordre à le pratiquer était encore récente. Boniface n’avait garde de l’oublier. C’est ainsi que sous son impulsion et celle de ses disciples, le défrichement du sol avait marché de pair avec celui des âmes.

Au temps de César et d’Auguste les Germains faisaient leurs débuts d’agriculteurs. De chasseurs nomades, ils étaient en train de devenir cultivateurs occasionnels. César dit qu’ils ne cultivaient jamais deux ans de suite la même terre. Ils se déplaçaient donc encore. Lorsqu’un peu plus tard, Tacite les observa, ils étaient en progrès sous le rapport de la sédentarité et le sens de la propriété se répandait parmi eux. Chaque année les chefs

    tion plus récente. On y distingue d’ordinaire : les dialectes « anglo-frisons », le « haut-allemand » mêlé de plusieurs dialectes et où le saxon finit par dominer et le « bas-allemand ». Il n’y eût jamais de langue franque. Sous Charlemagne les Francs parlaient le « tudesque » qui était un idiome tout à fait germanique et qu’ils abandonnèrent par la suite.