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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome III, 1926.djvu/68

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histoire universelle

— les Tchèques fortifiaient leur situation. D’autres peuplades du même sang les avaient rejoints et s’étaient fixés sur les bords de la Morava. Bohème, Moravie, Galicie occidentale se trouvèrent quelque temps réunies sous le même sceptre. C’est alors que leurs gouvernants s’adressant à l’empereur Michel III le prièrent de leur envoyer des missionnaires. Le « basileus » fit choix des apôtres célèbres, Cyrille et Méthode dont l’action s’exerça sur la Bohème, la Pologne, la Moravie, la Bulgarie. De là le christianisme pénétra en Russie par l’impulsion qu’ils lui avaient donnée. Peu d’évangélistes accomplirent en si peu de temps une plus solide besogne. Ils dotèrent les Slaves d’un alphabet et d’une littérature[1] en même temps que d’une Église particulière. À noter qu’il n’y avait point encore de schisme défini entre Rome et Byzance. Quelques rites dissemblables les séparaient seuls. Mais dans le fond, l’esprit de l’Église grecque et celui de l’Église latine différaient considérablement. Or Cyrille et Méthode incarnaient la mentalité de la première et leur action préparait les voies aux influences byzantines. À cause de cela leur prédication devait soulever l’hostilité germanique. En voie d’organisation politique et obligés de réagir vigoureusement contre la pression Slave qui les avait tant éprouvés, les Allemands sentaient confusément combien il leur était utile de pouvoir le faire au nom du Christ. Byzance, en convertissant les Slaves, enlevait à leur propre intervention son caractère éventuel de croisade. Par ailleurs depuis que Boniface les avait évangélisés, ils étaient rattachés à Rome par des liens solides et leur prosélytisme ne voulait s’exercer qu’au profit du rite latin. Le prestige personnel de Cyrille et de Méthode rendit de leur vivant la lutte malaisée mais, eux disparus (885) elle s’engagea. Des intrigues détachèrent les Moraves du rite grec. Quant au roi des Bulgares, Boris (852-888) il fit ostensiblement de son choix l’objet d’un marché. Il tendit la main à droite et à gauche prêt à se décider pour qui l’avantagerait le mieux. Byzance l’emporta mais Rome devait prendre sa revanche en attirant la Pologne et en créant le « royaume apostolique » de Hongrie.

  1. Ce qu’on a appelé le « slavon d’église » laissa de longues traces dans les littératures bulgare, serbe et russe. Quant à l’alphabet appelé Cyrillique, c’est celui dont dérive l’alphabet russe actuel mais il n’est pas prouvé que ce soit celui dont se servait Cyrille.