Aller au contenu

Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
napoléon iii ; l’europe nouvelle

de l’Église. » plus qu’aucun des rois de France ne l’avait jamais été. L’impression ne fit que s’accentuer lorsqu’on le vit, devenu empereur, prendre les armes pour rendre aux catholiques la garde du tombeau du Christ.

Cette affaire des « lieux saints » traînait depuis bientôt cent ans. C’est en 1757 que les moines grecs de Jérusalem qui de tout temps en disputaient aux « latins » la possession s’étaient emparés de quelques uns des sanctuaires dont en 1808 ils avaient réussi à les déposséder totalement. Une abondante paperasserie diplomatique s’était depuis lors échangée à ce sujet. Or l’avènement du tsar Nicolas Ier avait donné à la politique russe des contours décidés et agressifs. Alexandre était mort en 1825 n’ayant cessé, dit Rambaud, « d’éveiller et d’encourager chez ses sujets des rêves de liberté pour les en punir ensuite » ; aussi son gouvernement bien intentionné mais trop souvent incohérent avait-il fait éclore de nombreuses sociétés secrètes et donné naissance parmi les intellectuels à un dangereux anarchisme. Il n’avait pas même su régler sa succession ; finalement ce fut le second de ses frères qui régna. Laborieux, exact, économe mais étroit et méfiant, Nicolas s’appliqua à réaliser d’utiles améliorations matérielles par le moyen de l’autocratisme en lequel il voyait la formule nationale russe. Inquiet des secousses que subissait l’Europe de 1848, il se tint pour « gendarme de l’ordre », rôle hérité de Metternich mais qu’il remplissait avec plus de vigueur que le chancelier autrichien. Dans ce rôle il lassa tout le monde ; il inquiéta surtout l’Angleterre en lui offrant secrètement l’Égypte et la Crète pour la désintéresser du sort de l’empire ottoman avec lequel il était en guerre perpétuelle et qu’il cherchait à dépecer à son profit. Mécontent du rétablissement de l’empire en France et se plaisant maladroitement à humilier Napoléon III[1], il fournit à ce souverain une excellente occasion de se poser en champion de la paix générale que menaçaient ses propres agissements. Tous les rôles maintenant se trouvaient intervertis ; on allait voir un Bonaparte allié de l’Angleterre et serviteur de l’Église prendre la revanche de 1812 au nom de l’équilibre européen ; on le verrait ensuite, la victoire obtenue,

  1. Le chiffre iii ne contentait pas les souverains. Une curieuse anecdote porte à croire que Louis-Napoléon était prêt à régner sous le nom de Napoléon II. Une proclamation se terminant par les mots : vive Napoléon II ! aurait été portée hâtivement à une imprimerie où le point d’exclamation suivant le chiffre ii fut confondu avec le chiffre lui-même.