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les républiques sud-américaines

rien s’y passât sans qu’elle en fût la première et la mieux informée.

En cette matière comme en bien d’autres l’Europe se mit peu à peu à l’école de l’Amérique et les Américains en furent flattés. Sourdement leur ancien idéal de rénovation universelle recommença de les travailler. Le moment n’était-il pas venu d’apporter au vieux monde avec les preuves tangibles de la supériorité transatlantique, les bienfaits d’une américanisation définitive. Beaucoup de mobiles divers ont sans doute convergé vers la participation des États-Unis au grand conflit de 1914 mais les plus agissants ont été des mobiles d’ordre sentimental. C’est mal connaître les fils de cette nation que d’ignorer la force de leur sentimentalisme. Avant de se lancer en une pareille aventure, ils réfléchirent certes et supputèrent ; mais ce fut l’idéalisme et non l’intérêt qui finalement en décida. Et ils entrèrent en campagne, pénétrés d’une immense espérance.

La déception éprouvée n’en a été que plus profonde : déception à constater que, somme toute, on ne se comprenait pas et que les deux continents resteraient séparés par un océan immatériel moins aisé à franchir que l’océan véritable — déception aussi à sentir quelque peu ébranlée la foi en la perfection des institutions américaines. Mise à l’épreuve de la coopération internationale, la constitution, objet d’un culte dogmatique, a révélé certaines imperfections ; l’unité nationale a trahi, de son côté, quelques fissures… faits inquiétants dont il ne faut pourtant ni s’exagérer l’ampleur immédiate ni redouter les répercussions trop prochaines.


LES RÉPUBLIQUES SUD-AMÉRICAINES

L’administration érigée par l’Espagne au nouveau monde avait revêtu dès le principe — c’est-à-dire dès la seconde moitié du xvime siècle — les caractères qui devaient la distinguer durant plus de deux cents ans. Elle était simple, somptueuse et point impratique. À Lima, entouré de tout l’appareil de la souveraineté, résidait le vice-roi[1]. Sous ses ordres, des

  1. Plus tard il y eut un second vice-roi pour la Nouvelle Grenade et en 1776 un troisième pour les territoires de La Plata.