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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/181

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l’empire britannique

édifier sa propre virilité à l’aide des matériaux dont il dispose ; avant tout il doit rechercher le courage physique et la droiture de caractère, éléments d’ordre musculaire et moral auxquels il ne faut pas demander à l’ordre intellectuel d’ajouter de la force car il ne saurait que la distiller en doses imperceptibles. L’athlétisme exalté et coordonné, des institutions scolaires complètes reproduisant la société des hommes avec sa complexité, ses concurrences et même ses injustices, le maître toujours à portée pour observer et aider au moindre appel… c’étaient là des étrangetés que la première génération subit sans les comprendre mais dont les résultats furent prompts. Arnold ne rédigea aucun manuel ; il se contenta de transformer en quatorze années (1828-1842) son collège de Rugby. Cette propagande sans paroles annihila les oppositions prêtes à fulminer. Les autres collèges durent peu à peu se modeler sur celui-là et former à leur tour des « muscular christians » tels que Kingsley les avait souhaités. Puis l’esprit nouveau pénétra les universités. La tempérance servie par des poings solides et bien exercés n’eut plus honte d’elle-même. La confiance et l’optimisme, ces produits naturels de l’exubérance sportive, s’établirent à demeure. Et dans les rangs des administrations civiles et militaires, métropolitaines et coloniales apparut la figure d’une Angleterre régénérée, un peu étroite d’horizons et encore insuffisamment compréhensive mais claire et franche, aspirant au bien et sainement orgueilleuse d’elle-même.

Les « Dominions » en formation ne pouvaient recevoir de renfort plus efficace et plus opportun. Les dirigeants qui leur vinrent désormais apportèrent la liberté et selon une formule ultérieure peace with honour, la paix avec l’honneur. Le Canada dès le milieu du siècle fut apaisé et se développa tranquillement. Lord Elgin non content de rendre ses droits au français prononça en cette langue le discours du trône et sanctionna le vote des crédits destinés à indemniser les victimes de la rébellion de 1837. Des travaux publics, chemin de fer, canaux, lignes télégraphiques assurèrent le progrès commercial ; les chiffres triplèrent en dix ans. À part quelques incidents de frontières aux temps de la guerre de sécession des relations de meilleur voisinage s’établi-