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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/187

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guillaume ii et la république française

GUILLAUME ii
ET LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

La guerre de 1870 laissait la France et l’Allemagne en face de difficultés dont ni l’une ni l’autre n’avaient conscience : la France devant un dilemme ignoré, l’Allemagne au seuil d’une impasse inaperçue. L’Europe n’était pas plus clairvoyante. Aux yeux de tous la question qui se posait devant les Français concernait principalement la forme de leur gouvernement. Serait-il monarchique ou républicain ? L’important, c’est qu’il fût enfin stable. Quant aux Allemands, parvenus au but de leurs efforts et appuyant désormais leur empire restauré[1] sur une unité solide, ils devaient se tenir pour satisfaits. Telles étaient les vues courantes. La réalité en différait grandement.

Au cours du xixme siècle l’esprit de parti avait confisqué l’histoire de France soit pour exalter la révolution de 1789 au delà de toutes bornes raisonnables et de façon que ce qui l’avait précédé n’apparut plus que comme un préambule de peu d’importance — soit pour découvrir dans le lien monarchique une vertu intrinsèque à laquelle on pût faire honneur de tout ce qui s’était produit en France de bien et de beau depuis l’origine. De cette dernière conception était issue l’étonnante galerie de portraits où, de Mérovée à Charles X, les souverains étaient honorés dans des cadres similaires comme les artisans successifs de la même entreprise nationale. Bonaparte contrariait un peu la symétrie mais, le recul du temps aidant, il entrerait sans trop de peine comme y étaient entrés Clovis et Charlemagne dans le musée ainsi constitué Or on aura beau épiloguer, Clovis roi des Francs et Charlemagne empereur d’Occident demeureront des Germains dont les conceptions par ce seul fait ont opprimé et meurtri l’idéal celto-romain vers lequel les Capétiens étaient lentement et sagement retournés, inaugurant une poli-

  1. L’ancien empire n’existait plus guère que de nom lorsque Bonaparte en 1806 avait obligé son dernier titulaire à échanger le titre d’empereur d’Allemagne contre celui d’empereur d’Autriche.