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charles-quint, françois ier et henri viii

château d’Amboise. Choyé par sa mère, Louise de Savoie et par sa sœur aînée Marguerite[1], il n’avait connu, entouré de joyeux compagnons, que les plaisirs et la vie facile. Il demeura toujours « enfant gâté » mais avec assez de charme pour conquérir ceux qui l’approchaient ou le suivaient du regard. Intelligent, d’esprit rapide et malgré, dit un contemporain, qu’il n’aimât guère « à fatiguer son esprit à réfléchir plus qu’il ne faut », il savait unir la grâce de la parole à la séduction de sa beauté. De sorte que sa popularité se maintint à travers les vicissitudes d’une politique extérieure et d’une politique intérieure également déraisonnables. Le reflet de Marignan de plus ne cessa d’auréoler sa physionomie. Cette victoire de hasard, vrai hors-d’œuvre historique, remportée, six mois après son avènement, sur les Suisses[2] qui s’étaient laissé persuader de lui barrer la route du Piémont, valut au jeune monarque une facile renommée. On lui a fait non moins aisément honneur des beaux édifices élevés ou embellis sous son règne tels que les châteaux de Blois, de Chambord, de Fontainebleau. Il aimait les arts en effet et sut encourager le mouvement esthétique qui, né au siècle précédent en Italie, en Flandre et en France s’épanouit tout naturellement à l’appel d’un prince de goûts raffinés et fastueux.

Le « plus heureux des trois » eût dû être Henri VIII. Nulle aube de règne ne fut jamais apte à susciter autant d’espérances. Doué comme François Ier de brillants avantages physiques, d’un abord attrayant, appliqué et lettré, sachant le latin, le français, l’espagnol et l’italien, jouant « divinement » du luth et de l’épinette, ce gentilhomme d’aspect accompli héritait d’un royaume unifié, pacifié, prospère et d’une situation politique claire et simple. Quelle supériorité n’était-ce pas là sur des souverains placés en face de problèmes compliqués et multiples ! Mais tandis que les qualités de François Ier et de Charles-Quint leur appartenaient réellement, on vit bientôt que celles d’Henri VIII

  1. Marguerite de Valois plus tard reine de Navarre fut l’une des premières « princesses de lettres ». Séduisante et généreuse, elle groupa autour d’elle les écrivains, protégeant les protestants contre les premières persécutions. Ses contes en proses groupés sous le nom d’Heptameron, sont supérieurs à ses vers, mais ne donnent pas une idée très respectable de la valeur morale de la cour de François Ier.
  2. Depuis leurs victoires sur la Bourgogne et sur l’Autriche, les troupes suisses passaient pour invincibles. En 1511, le pape belliqueux Jules II tournant contre la France la ligue qu’il avait d’abord formée contre Venise, obtint leur concours. Mais Marignan ramena les Suisses à la France. Vaincus par elle, ils en furent pénétrés d’admiration et signèrent avec François Ier la « paix perpétuelle » qui devait durer jusqu’en 1789. Le traité fut conclu à Genève entre la France et huit des cantons suisses.