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Page:Coubertin - Histoire universelle, Tome IV, 1926.djvu/50

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histoire universelle

LA GUERRE DE TRENTE ANS
ET LA PAIX DE WESTPHALIE

Le ministère du cardinal de Richelieu (1624-1642) sert de préambule au règne de Louis XIV. On ne saurait trop s’en souvenir si l’on veut apprécier avec quelque équité les actes du « grand roi ».

Né en 1585 Richelieu n’accéda pas aisément au pouvoir mais il était de ceux dont l’ambition sait attendre, de ceux aussi chez qui elle ne s’embarrasse de remords ni de scrupules. La « raison d’État » enveloppa sa conscience dans les plis d’un ample manteau. Formule inquiétante certes, et dont il convient de se méfier, qu’il est même légitime de condamner si l’on évoque tous les crimes commis en son nom depuis lors. Chez Richelieu pourtant, elle exige un peu plus qu’une condamnation sommaire. Cet homme dont le cerveau était puissamment organisé n’eut guère d’attachement pour son souverain ; par contre il fut entièrement dévoué à l’État. Une telle distinction constituait alors une nouveauté. Plus d’un régime antérieur avait consacré l’idée de l’État soit de façon anonyme comme naguère à Carthage ou à Venise, soit en identifiant l’État avec la personne souveraine. La conception de Richelieu différa des précédentes. Il entrevit une machinerie ingénieuse et obéissante dont les rouages joueraient sur une simple pression de la main dirigeante — et très efficacement pour autant que cette impulsion fut donnée conformément aux bonnes règles politiques et administratives. C’est cette conception qui, utilisée par Louis XIV, reprise par la Révolution, déformée par Napoléon produisit la cristallisation bureaucratique dont la France et une partie de l’Europe devaient avoir fort à souffrir.

Richelieu était-il tenu par les circonstances de suivre une telle voie ? On l’a cru et il a été en conséquence exonéré de tout reproche. En ce faisant, n’obéissait-il pas bien plutôt à un penchant de son intelligence et de son tempérament ? Ce que nous savons de lui incite à le faire croire. Quand l’évêque de Luçon récemment pourvu d’un chapeau de cardinal prit place au conseil du roi, il y avait déjà douze ans qu’Henri IV était mort. Louis XIII régnait, prince « jaloux de son pouvoir et paresseux