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louis xiv et son siècle

favorables. De son pays pauvre et sans crédit, Gustave-Adolphe, avait fait une grande puissance. Mais ce ne pouvait être qu’à titre passager. Il n’y avait aucune raison pour que la Baltique fut transformée en une sorte de lac suédois. Passe pour la Finlande mais l’Esthonie, la Livonie ni la Poméranie n’étaient susceptibles de devenir des terres scandinaves. Les Suédois d’ailleurs n’y détenaient guère que le littoral et cette domination artificielle ne pouvait manquer de leur échapper quelque jour.

Gustave-Adolphe en mourant (1632) avait laissé à sa fille Christine âgée de six ans la meilleure des sauvegardes en la personne du chancelier Oxenstiern qui gouvernerait en son nom — et à celui-ci les meilleurs éléments de gouvernement : une forte armée et de bonnes finances. Malheureusement la jeune souveraine ne tarda pas à révéler un caractère romanesque et fantaisiste, des goûts dispendieux, des instincts exotiques. Intelligente et cultivée, elle commença par attirer à sa cour artistes et savants. Descartes vint y mourir (1650). Les Suédois d’alors estimaient s’être grandement affinés depuis cent ans. Mais leur souveraine rêvait d’autres luxes et d’horizons moins barbares. Elle entreprit de grands voyages scandalisant Paris et Rome par ses aventures et ses propos. Elle abdiqua après avoir fait reconnaître pour son héritier son cousin-germain. Entre ses mains le trésor public avait fondu. La Suède ne pouvait plus faire face à ses obligations. Sous Charles X et Charles XI il fallut recourir à des expédients et à des confiscations déguisées pour subvenir aux dépenses publiques.

L’armée cependant était demeurée solide. Sa valeur professionnelle, l’esprit à la fois militaire et religieux qui l’avait naguère animée en feraient encore un redoutable instrument de combat entre les mains d’un souverain guerrier. Charles XII (1697-1718) dont la biographie écrite par Voltaire a si fort contribué à grandir la renommée, ne pensa qu’à la guerre dès son jeune âge. Soldat d’une incroyable énergie, véritable ascète militaire, imbu de la doctrine de la prédestination et rêvant aux lauriers d’Alexandre le grand, il conduisit à travers la Pologne, la Saxe, la Russie et jusqu’en Turquie la plus folle et la plus inféconde des épopées. Dépourvu de tout sens politique, un tel homme ne pouvait laisser derrière lui que des ruines. Seule la Russie lui devrait ériger des statues car il en fut le fondateur indirect. La bataille de Poltava où sombra sa fortune transforma littéralement celle du tsar Pierre le grand.

De cette Europe orientale nous parlerons tout à l’heure.