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Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/261

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nos amis roumains

C’est nous qui l’avons mise debout, cette belle et charmante Roumanie dont le vieux sang latin conservait secrètement pour des jours plus heureux les qualités héritées de la Rome impériale. Notre révolution de 1848 donna le branle à ses aspirations. Une sympathie instinctive semblait du reste l’incliner vers nous et Bucarest, mélange copieux de palais boursouflés et de lamentables masures, était déjà imprégné de la vie et des idées françaises ; mais, alentour, la terre continuait de somnoler, inféconde, et l’âme nationale se cherchait déroutée à travers des horizons imprécis. La secousse n’eut d’autre résultat que d’amener une fois de plus le vis-à-vis redoutable des Turcs et des Russes toujours prêts à se disputer la proie qui les séparait. Un accord intervint entre le tsar et le sultan, mais il n’eut pas de lendemain. La guerre de Crimée éclata ; les troupes russes évacuèrent les principautés que les Autrichiens vinrent occuper jusqu’à la paix.

Au congrès de Paris qui la scella, Napoléon iii se fit le champion de l’indépendance roumaine. Sous la pression de sa volonté, on restitua à la Moldavie une portion de la Bessarabie dont les Russes, en 1812, s’étaient saisis. On fit plus : les deux principautés furent placées sous la garantie collective des grandes puissances. L’empereur des Français dut renoncer à réaliser sur-le-champ l’unité qu’il avait en vue pour ses protégés. À Vienne et à Constantinople cette unité inquiétait. Du moins la Moldavie et la Valachie reçurent-elles des institutions identiques et la permission de discuter en commun certaines questions. C’était plus qu’il n’en fallait pour leur permettre de franchir elles-mêmes le dernier pas. Le même jour, à Jassy et à Bucarest, le prince Couza fut élu hospodar. Fort de l’appui de la France qui saurait imposer à l’Europe l’acceptation de cette irrégularité initiale, le nouvel élu s’intitula prince de Roumanie et put dire ainsi à ses concitoyens dans sa proclamation : « La nation roumaine est fondée. » Elle l’était. Napoléon iii dont le regard distrait si souvent couvrit des idées têtues, éprouvait une double satisfaction à encourager