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Page:Courier Longus 1825.djvu/18

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rien que de Daphnis, et de rien ne parloit que de lui. Ce qu’elle éprouvoit, elle n’eût su dire ce que c’étoit, simple fille nourrie aux champs, et n’ayant ouï en sa vie le nom seulement d’amour. Son ame étoit oppressée ; malgré elle bien souvent ses yeux s’emplissoient de larmes. Elle passoit les jours sans prendre de nourriture, les nuits sans trouver de sommeil : elle rioit et puis pleuroit ; elle s’endormoit et aussitôt se réveilloit en sursaut ; elle pâlissoit et au même instant son visage se coloroit de feu. La génisse piquée du taon n’est point si follement agitée. De fois à autre elle tomboit en une sorte de rêverie, et toute seulette discouroit ainsi : «  À cette heure je suis malade, et ne sais quel est mon mal. Je souffre, et n’ai point de blessure. Je m’afflige, et si n’ai perdu pas une de mes brebis. Je brûle, assise sous une ombre si épaisse. Combien de fois les ronces m’ont égratignée ! et je ne pleurois pas. Combien d’abeilles m’ont piquée de leur