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Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/108

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L’idée que ce malotru de Vergust avait fait la connaissance de Camille à la faveur des parties de cartes hebdomadaires lui était particulièrement intolérable, d’autant plus que le charcutier s’en était vanté devant elle en paroles superlatives :

— Une belle personne, savez-vous !… Il paraît qu’elle joue si bien le piano et qu’elle chante encore mieux que Madame Melba ! C’est comme un rossignol !

Car le vieux renard savait bien que cette concurrence allait exaspérer la demoiselle plus que tout le reste. De fait, et dans le vague espoir d’établir un jour son éclatante supériorité sur toutes les chanteuses des alentours, Mlle Lakmé Buellings ne quittait plus son piano et vocalisait, rouladait, trillait du matin au soir d’un gosier éperdu que la rage, encore plus que la fatigue, n’avait jamais éraillé ni faussé à ce point. Cette fois, la cuisinière des Buellings, absolument affolée, avait jeté son tablier et s’était enfuie sans retour.



Camille faisait mieux que s’habituer à sa nouvelle existence : celle-ci lui plaisait par la diversité des occupations et l’atmosphère bienveillante, tout imprégnée de tendresse, qui régnait dans la maison. Aussi, les vieux Claes éprouvaient-ils grande satisfaction à lui voir reprendre peu à peu la force et l’éclat de ses vingt ans. Ce beau visage affectueux leur était une consolation.