Aller au contenu

Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
L’ÉTOILE DE PROSPER CLAES

compagnons qui l’avaient rapporté tout sanglant dans nos lignes. Le garçon était mort crânement avec des mots de piété filiale et un souvenir attendri pour cette petite Charlotte qu’il devait épouser à la fin de septembre.

Le boisselier était inconsolable, car il avait l’orgueil de ce fils solidement bâti, dont le caractère décidé le consolait de sa propre mollesse, de son irrésolution en toute chose. Entêté dans le chagrin, il ne quittait plus guère la boutique que pour se traîner, tout courbé et bossu, chez Théodore où les vaines consolations de ses amis ne le sortaient pas de son hébétement taciturne.

Le coiffeur ne chômait pas ; sa clientèle s’était même considérablement développée depuis la guerre. Comme un hommage à la belle conduite de son fils — qui avait tout de suite échangé le rasoir contre un fusil — le quartier s’était engoué de Théodore dont le modeste salon ne désemplissait plus. Mais qu’importait au brave homme cette prospérité imprévue que son cœur paternel payait de tant de soucis et d’alarmes ! Aussi avait-il perdu beaucoup de sa loquacité d’autrefois ; très ému sans doute de l’intérêt qu’on témoignait à son James, il ne répondait que brièvement aux questions, comme s’il redoutait que le mauvais sort — et l’espion, toujours embusqué — ne le punissent de ses trop prolixes effusions au sujet de l’absent.

Le charbonnier De Bouck était peut-être le seul client qui le mît en confiance et avec lequel il abandonnât sa prudente réserve ; car le négo-