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Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/137

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déclarer par l’un des vôtres — un jeune gaillard qui se croit poète — que ce qu’il y avait de plus cruel pour nous dans cette affreuse guerre, c’est « le silence des lettres françaises » ! Hé ! les massacres, ça ne fait pas matière ! Mais « le silence des lettres françaises » ! pensez donc ! Voilà le deuil, voilà le désastre ! Et il débitait cela, en smoking, sur une estrade, sans se douter de son ignominie… Ah ! sinistres petits pîtres qui posent au penseur, dissertent sur la guerre, osent même parler de leurs sentiments patriotiques du haut d’une tribune, oubliant qu’il leur est interdit d’ouvrir la bouche et qu’ils n’ont d’autre droit que d’être muets, comme des eunuques qu’ils sont. Ah ! ceux-là, on les démasquera un jour !

Le petit Louis écoutait ce gueux dominateur sans faire un geste de protestation. Il n’essayait plus de se donner le change : il était réellement un oisif, un inutile, un lâche. La rougeur de la honte lui brûlait le front. Sa toilette de fantaisie augmentait encore son malaise, car l’uniforme du soldat lui semblait à présent le seul vêtement que pût endosser un garçon de son âge. Non. la voix de sa conscience ne pouvait plus être étouffée : elle parlait plus haut que ses sophismes. C’en était fait ; une résolution lui venait de se réhabiliter vis-à-vis de soi-même et de tous.

Assez de déclamations. Il voulait être un héros réel, non plus fictif.

— Et maintenant, fit le vagabond qui estimait en avoir assez dit, je crois que Mademoiselle ne vous retient pas…