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Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/30

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— Entendu, monsieur Lust ! Faites à votre aise : on n’aura tout de même personne aujourd’hui…

En effet, c’était vendredi, un jour généralement assez calme, même en période normale.

— Allons, à tantôt !

Et, relevant son collet, Lust s’élança dans la rue suivi de Tom qui, peu douillet de nature, préférait encore le grand air à l’assoupissante chaleur du magasin.

Cependant, installé au bureau, Bernard commençait de feuilleter le grand livre, collationnant chaque page avec les notes cursives de son agenda. Parfois il levait la tête, distrait de sa besogne par les rafales de neige fondue qui tourbillonnaient au dehors. À ce spectacle, une rêverie l’engourdissait, mais qu’il secouait aussitôt pour se remettre à ses vérifications.

Son épaule droite contrefaite, remontée au niveau de l’oreille, lui donnait une contenance pénible dont sa figure fine, éclairée par de beaux yeux mélancoliques, atténuait la disgrâce.

Il était doux, mais avec un cœur énergique dans un corps débile. Fils d’un ancien ouvrier de la maison, orphelin de père et de mère dès l’âge le plus tendre, le petit garçon mal venu avait été placé par les Claes dans un hôpital situé au bord de la mer où sa santé s’était lentement rétablie au milieu des effluves salubres du large. Puis, à dix ans, on l’avait mis en pension dans un institut voisin de la capitale, afin qu’il reçût au moins une instruction primaire.