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Page:Courouble - L'étoile de Prosper Claes, 1930.djvu/57

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à la guerre que les moindres risques et sa quiétude maternelle, un instant troublée lors des adieux, lui était bientôt revenue avec les bonnes nouvelles du soldat et les profits grandissants de la vente du charbon.

Aujourd’hui, la situation de Victor, séparé à jamais de son alter-ego, ne lui apparaissait plus aussi exempte de danger : elle persistait à le croire assez peu dégourdi dès qu’il était abandonné à lui-même. Dans une lettre désespérée, l’interne avait rapporté le terrible événement : sa douleur y éclatait en mots simples et d’autant plus émouvants ; il était inconsolable, se désespérait à la pensée que le corps de son ami gisait dans un immense bourbier dont il serait sans doute impossible de le dégager pour lui rendre les derniers devoirs. « Comme je regrette, écrivait-il, de n’avoir pas obtenu la faveur de l’accompagner ne fût-ce qu’à l’arrière-garde dans le cadre des ambulanciers… Je l’aurais retrouvé, moi ! Oh ! sûrement je l’aurais retrouvé. Mais peut-être est-il temps encore… »

Il ne s’expliquait pas davantage et la lettre s’arrêtait là brusquement, oubliant les mots habituels d’affection et de réconfort, les protestations de bonne santé…

Et les parents demeuraient sous l’impression de cette réticence, s’interrogeaient avec anxiété : le dévouement de Victor à son camarade ne pouvait-il pas le rendre téméraire au point de lui faire exposer sa vie en des recherches périlleuses autant qu’inutiles ?