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MADAME DESBORDES-VALMORE À BORDEAUX

de Marcellus, qui fut député de la Gironde de 1815 à 1823 et pair de France. Mais, vers 1810, époque où se place la liaison, Marcellus avait trente-quatre ans ; il n’était pas dans le jeune àge, comme le laisse entendre Marceline. Elle parle aussi de sa « jeune gloire » littéraire ; or, en fait de gloire, Marcellus n’en avait que pour avoir publié à Bordeaux la Vie de M. Marlin de Bonnefond, curé de Marmande. On a parlé de son fils, qui fut secrétaire d’ambassade à Constantinople et à Londres, et qui a fait des vers. Mais il n’avait que quinze ans lorsque naquit l’enfant de Marceline. On ne peut supposer qu’il l’ait séduite à quatorze ans. M. Boulenger, qui a montré ces invraisemblances[1], a mis en avant le nom de Latouche, l’éditeur des poésies d’André Chénier. En fait, l’énigme reste encore indéchiffrée.

Abandonnée par son séducteur, Marceline avait épousé, le 4 septembre 1817, un acteur, plus jeune qu’elle de sept ans, François-Prosper Lanchantin, connu au théâtre sous le nom de Valmore. Elle dit l’avoir entrevu tout enfant, à Bordeaux, lorsqu’elle y était venue en 1800. C’était un fort joli garçon, mais un artiste assez médiocre. Elle l’aima de toute son âme. Elle ne vécut plus, dès lors, que pour « l’illustre Valmore » et pour ses enfants. Ils en eurent d’abord deux : Hippolyte, né à Paris le 2 janvier 1820, et une fille, Ondine, née à Lyon le 1er novembre 1821, dont la naissance décida sa mère à abandonner le théâtre[2]. Elle la laissa en nourrice, aux environs de Lyon, lorsque le ménage quitta cette ville pour venir se fixer à Bordeaux.

Il y arriva au printemps de 1823. Valmore était engagé au Grand-Théâtre pour trois ans comme premier rôle dans la comédie et la tragédie. Son père, André-Prosper Lanchantin, écrivait de Paris, le 9 décembre 1823, à sa belle-fille : « Je suis bien aise que Prosper ait accepté, surtout dans la circonstance où nous sommes. Non seulement il n’aurait pas trouvé mieux, mais à coup sûr jamais aussi bien : une belle ville, la certitude du paiement pendant trois ans et moi, l’espoir de vous aller rejoindre[3]. » La même lettre nous apprend que le ménage logea d’abord rue de la Grande-Taupe, no  7[4]. En 1826, il

  1. Boulenger, p. 117-118.
  2. Ce fut avec une satisfaction profonde : « Ne plus jouer la comédie est un genre de bonheur que je ressens jusqu’aux larmes », écrivait-elle de Bordeaux à son oncle Constant le 24 juin 1823 (Boulenger, p. 261).
  3. [Boyer d’Agen]. Œuvres manuscrites de Marceline Desbordes-Valmore, Paris, 1921, in-8o, p. 225.
  4. Aujourd’hui rue Lafaurie-de-Monbadon, n° 13.